APE : Interview

« Nos problèmes sont davantage liés aux coûts de production et à notre absence de réseau de vente au Japon qu'aux barrières douanières »

Pour Guillaume Roué, président d'Inaporc, qui rassemble tous les métiers de la filière porcine française, le Japon est un marché clé.

Qu'attendez-vous des négociations entre l'Union Européenne et le Japon ?
Guillaume Roué :
Il y a déjà eu un impact positif : la levée de l'embargo sur la viande des animaux de moins de trente mois depuis le 1er février 2013. La conclusion d'un accord offre de réelles opportunités pour l'agroalimentaire français. Il y a des barrières non tarifaires, notamment sur certains additifs alimentaires utilisés dans l'Union Européenne mais non autorisés par le Japon. Mais nos problèmes au Japon sont davantage des problèmes internes à la filière de coûts de production et d'accès au réseau.

Quelle place tient le Japon dans votre filière ?
G.R. :
Le Japon est essentiel pour nous car c'est le marché le plus exigeant au monde sur le plan qualitatif. Toute l'industrie sait que c'est le marché le plus difficile à pénétrer. Il est aussi important pour la filière porcine car on y exporte des parties nobles, à forte valeur ajoutée, de l'animal, comme la longe ; cela crée un équilibre avec d'autres marchés comme la Chine où on exporte plus de morceaux moins nobles. La Chine est devenue un très gros marché mais nous devons nous prémunir contre les risques de ralentissement brutal de ce « client », et le Japon peut aussi servir à ce rééquilibrage.

Que représente le marché japonais pour vous ?
G.R. :
Le Japon importe 1,2 millions de tonnes de viande de porc sur une consommation annuelle de 2,2 millions de tonnes. C'est un ratio d'importations considérable (même si une grande partie d'entre elles sont en réalité des "réimportations" de viande par des entreprises japonaises à partir de leur filiale à l'étranger). Il est le premier importateur de viande de porc au monde. Mais le porc français ne bénéficie pas bien de cet appétit japonais, car son prix ne le place pas bien par rapport à ses concurrents américains, danois ou espagnols par exemple. Nous n'exportons que 10.000 tonnes de viande par an au Japon, contre 100.000 tonnes en Chine, pour une quantité totale d'exportations de 600.000 tonnes de viande (dont 200.000 tonnes hors de l'Union Européenne).

Pourquoi ?
G.R. : Nous avons choisi un positionnement de qualité, avec des conditions sanitaires très élevées, le souci de l'environnement, la prise en compte du bien-être animal, la traçabilité, la baisse des antibiotiques dans l'élevage de nos animaux, le refus des OGM, des farines animales et des graisses animales dans l'alimentation des porcs. Cela entraîne des coûts trop élevés par rapport à nos concurrents. Aujourd'hui le prix de revient de la viande de porc est à 1,45 euro du kilo en France alors que les éleveurs ne gagnent pas d'argent s'il est au-dessus de 1,30 euro. Pendant ce temps les importations de porc espagnol au Japon ont été multipliées par 7 en 5 ans, à 70.000 tonnes. Comment ? Grâce à un smic à 600 euros en Espagne... Nous subissons aussi la concurrence de l'Europe du Nord (en particulier le Danemark), qui a su pénétrer le réseau de distribution japonais très tôt.

On observe la percée d'acteurs comme Bellota Bellota ou Pierre Oteiza dans votre secteur. Il y a aussi de plus en plus d'échanges entre charcutiers français et japonais. Croyez-vous à un décollage de la charcuterie fine au Japon ?
G.R. : Les habitudes alimentaires des Japonais ne permettent pas encore un tel décollage.

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