Femmes : La longue marche

Depuis 1947, le législateur a tenté de protéger la femme dans l'entreprise, puis de lui garantir l'égalité, puis d'assurer son bien-être en tant que mère. Interview de Motoi Fujii, avocat spécialiste du droit du travail chez TMI.

Pouvez-vous nous raconter l'évolution du statut de la femme japonaise au travail ?
Toute discrimination basée sur le sexe est interdite, selon l'article 14 de la Constitution du Japon. Le Labor Standards Act (1947), qui encadre le droit du travail, interdit les discriminations salariales basées sur le sexe. Mais ces textes ne disaient rien sur les questions de l'embauche, du licenciement et de la promotion. Et ils étaient dépourvus de sanctions. Le kintoho, la loi sur l'égalité de l'accès à l'emploi, votée en 1986, a amélioré la condition des femmes. Elle marque le passage d'un système qui vise à protéger les femmes à un système qui vise à l'égalité de traitement avec les hommes. Le kintoho a étendu la discrimination aux cas de recrutement et d'embauche, de promotion, tâche, formation, couverture sociale, âge du départ à la retraite, retraite et licenciement. Elle a aussi forcé les entreprises à se préoccuper du harcèlement sexuel au travail. Mais ici encore, pas de sanctions efficaces.
En 1991, la loi sur le congé maternité et le congé familial est une nouvelle avancée. Le législateur tente alors d'instaurer un équilibre entre travail et vie personnelle. Il encourage les chefs d'entreprise à améliorer le bien-être des employés en charge d'une famille.
En 2003 enfin, le législateur a voulu s'attaquer au déclin démographique du Japon et au « choc 1,57 » (pour 1,57 enfant par femme). Les entreprises de 101 employés ou plus sont priées de mettre en place un environnement favorable à l'éducation des enfants.

La discrimination basée sur le sexe est-elle interdite au Japon ?
En pratique, les femmes qui s'estiment victimes d'une discrimination sur leur salaire par exemple doivent prouver que cette différence est uniquement en raison de leur condition de femme. En face, l'entreprise et les hommes employés peuvent apporter beaucoup d'éléments justifiant la discrimination.
Un problème courant est celui du congé maternité. La loi force l'entreprise à donner un congé maternité à son employée enceinte et à lui redonner le même emploi après la naissance de son enfant. Elle ne peut être discriminée en raison de sa grossesse. Mais en réalité, l'entreprise embauche souvent quelqu'un pour remplacer l'employée partie, qui devient vite irremplaçable. Si l'entreprise ne veut plus de l'employée partie en congé maternité, elle négocie avec elle les termes de son départ.

Le principe « travail égal, salaire égal » existe-t-il au Japon ?
Il est en train d'être introduit. Les dernières évolutions du droit du contrat de travail interdisent la différence de salaire entre un salarié et un intérimaire pour la même tâche. Mais pour le cas des femmes, le principe est encore loin d'être adopté.

Le harcèlement sexuel est-il bien couvert au Japon ?
Les femmes qui déposent une plainte pour harcèlement sexuel se voient dans la très grande majorité donner raison, car elles n'ont a priori aucune raison de l'inventer. L'entreprise est tenue d'agir si elle a connaissance de tels actes. Les entreprises sont tenues par la loi de prendre soin des employées traumatisées par cette expérience, et leur octroient souvent un congé pour se remettre.
Il y a eu beaucoup de cas de harcèlement sexuel dans les années 80 et 90. Il y en a beaucoup moins aujourd'hui, mais il y en a encore. Les entreprises ont pris conscience du problème. Notre cabinet leur donne des conférences pour leur expliquer comment lutter contre ce phénomène. Elles peuvent ensuite montrer au juge, si elles sont visées, qu'elles ont fait de leur mieux pour l'empêcher. Car leur responsabilité et celle du « harceleur » sont engagées. Une entreprise en général est condamnée à verser 1 million de yens à la victime (mais il y a eu un cas où l'entreprise a dû verser 10 millions de yens). L'employé coupable en général doit verser des dommages-intérêts, fait l'objet de sanctions disciplinaires et perd son travail.
Le vrai sujet du moment, qui est proche de celui-ci, c'est celui de l'abus de pouvoir (power harassment). Il a été dénoncé publiquement par le ministère du Travail l'an dernier, alors que le concept n'existait même pas au Japon jusqu'ici. Il n'y a toujours pas de définition légale de ce concept, mais il a été mentionné dans plusieurs décisions de justice, et le ministère du Travail en parle dans des règlements.

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