Le Japon, la France, l’immigration et le travail

Le Japon se veut depuis quelques années une terre d’accueil pour l’immigration, en particulier l'immigration choisie. Pour l’instant, tous les chiffres démentent cette position officielle. En stock, le nombre d’étrangers demeure très faible : il ne représente qu’1,7% de la population, et ce ratio baisse encore. Ce faible chiffre n’est pas compensé par une hausse des naturalisations : « le Japon naturalise trois fois moins de personnes que la Suisse, petit pays beaucoup moins peuplé que le Japon et à la réputation isolationniste » observe le grand démographe Nicholas Eberstadt dans un récent article de la revue Wilson. L'immigration de travail, même si elle constitue l'essentiel de l'immigration (le Japon refuse le regroupement familial), demeure très faible. En 2010, 52.500 étrangers sont entrés au Japon pour des raisons professionnelles, dont plus de la moitié sur des visas « de divertissement » (hôtesses de nuit...), remarque l’OCDE. En 2010, le Japon a naturalisé 13.072 étrangers. Enfin, il a accueilli en 2010 63.500 étudiants, essentiellement venus du reste de l’Asie. La France offre un profil très différent. Les étrangers représentent 7,8% de la population. En 2010, la France a naturalisé 143.275 personnes, soit onze fois plus que le Japon. Le nombre d’entrée d’étudiants, à 65.200, est étonnamment proche du nombre japonais. Le taux de chômage des immigrés au Japon est de 5.7% au Japon, contre 15,5% en France.
« Le Japon a un pourcentage d’immigrés si faible dans sa population que dans ses enquêtes emploi, l’administration n’inclut aucune question sur la nationalité et le lieu de naissance des sondés » explique Jean-Christophe Dumont, spécialiste des migrations auprès de l’OCDE. « Le Japon est un pays qui a toujours refusé l'immigration. Il n’a pas vocation à accueillir durablement les immigrés, et a réussi à faire sans, compensant la baisse de la population active par des taux d’activité plus élevés, la hausse du taux de participation des femmes, et des innovations technologiques pour remplacer la main-d’œuvre peu qualifiée. Mais le phénomène du vieillissement, qui nécessite notamment beaucoup d'infirmières, rend cette attitude intenable à long terme », estime le spécialiste. Il pointe l’exemple de la Corée du Sud, où l’immigration de travail est canalisée par des visas temporaires renouvelables qui durent cinq ans. Le nombre d'étrangers a bondi de 8% en 2010 en Corée du Sud. Il a baissé de 2,4% au Japon la même année. Il est très regrettable que le Japon laisse échapper l'opportunité de son extraordinaire attractivité à l'étranger, en particulier auprès des jeunes générations, et ne se dote pas d'une authentique politique d'immigration. Celle-ci pourrait l'aider à surmonter ses problèmes démographiques et à relancer son économie.

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