L'effet boeuf

Le boucher charcutier Hugo Desnoyer ouvre un restaurant de viande française à Tokyo. Un exemple ?

Préparation
Pour sa première sortie à l’étranger ce boucher parisien a naturellement choisi... Tokyo. Après deux ans de préparation, Hugo Desnoyer a ouvert son restaurant-boucherie dans la capitale japonaise le 4 novembre dernier. Soutenu par le fameux designer de lunettes Alain Mikli (qui a aussi réalisé les couverts), fidèle client et investisseur, il a planté sa tente dans le quartier chic d’Ebisu. Une inauguration qui précède celle d’un établissement similaire à Paris.
C’est un voyage retour vis-à-vis de la clientèle japonaise fidèle qui se pressait chez lui à Paris. Et une ouverture qui devrait être le point de départ d’une belle croissance au Japon et en Asie-Pacifique puisque le tandem Mikli-Desnoyer parle déjà d’ouvertures à Séoul, Hongkong, Berlin, Londres. « La presse est dithyrambique. Nous affichons complets jusqu’en février, et sommes déjà sollicités pour travailler avec des grands magasins au Japon. Mais nous voulons prendre notre temps », assure Philippe Terrien, le consultant qui a organisé l’ouverture de ce premier restaurant à Tokyo. L’établissement, très beau, dont la façade rappelle celle d’un cinéma ou d’un théâtre, propose une sélection de viandes essentiellement françaises du célèbre boucher parisien dans une ambiance tapas ou assise. Elle est une combinaison entre la boucherie-charcuterie et le restaurant, où le client peut emporter de la viande ou la consommer sur place après sa « présentation » par le chef. Le restaurant travaille déjà sur la livraison à domicile. Autre surprise : le personnel, entièrement japonais, emmené par un chef qui a fait ses classes pendant un an à Paris chez Hugo Desnoyer.

Au pays du bœuf de Kobé
Le Japon, terre des meilleurs bœufs au monde ? « Il n’y a pas de meilleures bêtes du monde, comme je ne connais pas la plus belle femme ou la meilleure femme du monde. Après il faut rester ancré dans ce que l’on croit et ce que l’on veut faire. Moi je ne vais pas m’attaquer au marché japonais avec des bêtes d’ici, c’est déjà fait et cela n’a aucun intérêt. Je vais justement apporter des choses avec des valeurs et des bêtes auxquelles je crois », expliquait Hugo Desnoyer à quelques mois de son ouverture à Tokyo dans une interview à TF1.
La seule présence de viande française au Japon étonne le journaliste habitué aux plaintes récurrentes des professionnels de l’agroalimentaire européen, habitués aux procédures tatillonnes des autorités de la Santé nippones. « Un vrai parcours du combattant », résume Philippe Terrien. Si le bœuf français est parvenu à passer les mailles du filet japonais, le porc et l’agneau français demeurent introuvables au Japon, soumis à barrières tarifaires et non tarifaires qui font la joie des soirées entre diplomates. Une rareté qui a immédiatement attisé la curiosité des médias japonais et des acteurs locaux de la viande. « Nous sommes tellement différents de la filière japonaise qu’on ne peut pas dire que nous ayons un concurrent au Japon. Pour eux, la boucherie française est totalement nouvelle », explique Philippe Terrien. Le boucher fait déjà des émules parmi les Japonais qui travaillent comme lui, et suscite le doute chez les éleveurs et les bouchers moins scrupuleux. Car la viande française donne aussi des leçons de traçabilité à la filière japonaise. Le Japon a largement rejeté les appellations d’origine contrôlée et maintient un flou très artistique sur la véritable origine et le mode d’élevage de leurs bœufs soi-disant « de Kobé », « de Yonezawa », etc. Hugo Desnoyer, lui, peut se targuer d’une démarche totalement cohérente, de la vache à l’assiette. « Hugo Desnoyer pratique l’élevage comme le faisaient nos grands-parents. Les bêtes restent dans les prés, boivent de l’eau, mangent de l’herbe et ne reçoivent ni hormones ni vitamines. Il choisit des bêtes, pas des morceaux de viande à Rungis », explique Philippe Terrien.
Cette belle aventure est une nouvelle preuve de la pertinence de l’Archipel comme piste de lancement pour la région. Alain Mikli n’appelle-t-il pas Tokyo sa « deuxième maison » ?...

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