NISA : Le compte n’y est pas encore

Conçus pour encourager les petits porteurs 
à investir en bourse, les comptes NISA 
n’ont pas produit l’effet escompté.


NISA : ces quatre lettres semblent figurer sur la poitrine de tous les employés de banque de l’Archipel. Cet acronyme (pour Nippon Individual Savings Account) est le plus récent effort du gouvernement pour créer une culture d’investisseur individuel au Japon. Les épargnants japonais demeurent en effet les grands absents de leur Bourse. Ils possèdent 1.630 trillions de yens en actifs financiers, dont seulement 9% sont investis en actions, tandis que plus de la moitié « dort » sur des dépôts bancaires. Le gouvernement souhaite à tout prix les orienter (en particulier les plus jeunes d’entre eux) vers les marchés boursiers. Il avait donc créé les comptes NISA pour spéculer en Bourse à des conditions fiscales avantageuses. Cet effort est très encadré. Les détenteurs d’un compte NISA ne peuvent pas spéculer avec plus d’1million de yens par an. Les avantages fiscaux attachés à ces comptes ne durent pas plus de cinq ans. 

Un an après son lancement, NISA n’est pas devenu aussi populaire que l’industrie financière l’avait prévu. L’institut de recherches Nomura estimait au moment de son introduction qu’il y aurait 5.500 milliards de yens en gestion sur plus de 8 millions de comptes en un an. Selon les derniers chiffres disponibles, les Japonais ont ouvert 7,27 millions de comptes NISA, pour y déposer 1.500 milliards de yens. Le compte n’y est pas. Surtout, le ministère des Finances a raté sa cible avec NISA : pensé pour attirer de jeunes investisseurs, il a pour l’essentiel séduit les plus de soixante ans, qui utilisent NISA comme un complément à un portefeuille boursier déjà garni.


Un succès ?

L’administration japonaise estime que NISA est un succès. « Les Japonais d’ordinaire préfèrent la stabilité au risque. Depuis l’accident nucléaire de Fukushima, c’est encore pire. Le nombre de dépôts bancaires a beaucoup augmenté. L’ouverture de comptes NISA montre au moins que les Japonais veulent reprendre des risques d’investissement. Pas mal non ? », se félicite un haut fonctionnaire de la Banque du Japon. Les gérants de fonds chargés de « vendre » le Japon à leurs investisseurs estiment pour leur part qu’un véritable changement philosophique est actuellement en marche dans les bourses japonaises. Les investisseurs individuels nippons ne représentent encore qu’un quart de l’activité boursière, selon la Bourse de Tokyo. « Le retour de l’inflation au Japon alors que les dépôts classiques ne servent qu’un taux d’intérêt inférieur à 1%, la mise en place d’un code de bonne conduite des entreprises cotées en Bourse, enfin l’introduction de comptes NISA sont des facteurs positifs. Aujourd’hui, l’essentiel de l’activité boursière dans ce pays est le fait d’investisseurs étrangers. Avec NISA, le gouvernement rend les marchés aux investisseurs locaux. Ainsi ces derniers, qui avaient quitté la Bourse depuis vingt-cinq ans, vont revenir en force, et auront intérêt à ce que les actions de leurs marchés montent », explique le gérant d’un hedge fund, singapourien spécialisé dans le Japon. Les entreprises cotées, conscientes de la volatilité des spéculateurs étrangers, ont aussi commencé à s’intéresser aux petits porteurs nippons.

« NISA est un changement peu important au niveau individuel, puisqu’on parle de dépôts d’un million de yens. Mais c’est un changement important au niveau national car il y a un effet de masse provoqué par le changement de comportement de millions de Japonais. Le gouvernement devrait relever le plafond des investissements des comptes NISA pour stimuler l’activité des investisseurs individuels », estime le président d’un des plus grands courtiers étrangers à Tokyo. « Le Japon dit qu’il veut favoriser une culture d’investisseur individuel, mais le plafonnement de l’investissement à un million de yens rend cette ambition ridicule. Aux États-Unis, les épargnants ont les trois-quarts de leur retraite investie en Bourse. Voilà un pays sérieux ! », s’amuse-t-il.

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