Repères

Femmes actives, le Japon en retard

Patricia Boling est l'auteur de The politics of work-family policies (Cambridge University Press), où elle compare la politique familiale du Japon avec celles de l'Allemagne, de la France et des États-Unis.

La condition des femmes actives s'améliore-t-elle ?
Oui, mais pas aussi vite que le gouvernement le souhaite.

Le Japon peut-il imiter d'autres modèles, comme le modèle français ?
Je soutiens dans mon livre qu'il est difficile pour le Japon de copier les autres pays. Les particularités de chaque pays sont si fortes qu'il est difficile de trouver sa propre voie. Le Japon n'est pas capable d'adopter la politique nataliste de la France.
Ce qui est intéressant dans le cas du Japon est qu'il adopte bien les lois nécessaires pour soutenir la natalité... mais qu'il ne les applique pas. Une femme a droit à un congé maternité d'un an généreusement financé, mais celles qui le prennent se voient poussées vers la sortie par leur employeur. Après leur congé maternité, la plupart des femmes continuent d'atterrir dans un emploi précaire. La France a admirablement réglé le problème : quitter son emploi n'est pas aussi professionnellement pénalisant qu'au Japon.

Le gouvernement japonais est-il sérieux sur ce sujet ?
Le gouvernement soutient les entreprises qui appliquent sa politique familiale en les gratifiant d'un logo mignon, et punit les autres en les mettant sur une liste noire. C'est grotesque.

Et les entreprises ?
Elles ne veulent pas changer non plus. En comparaison de l'Allemagne, où les associations familiales se sont unies aux maires, aux ONGs et aux entreprises pour soutenir la natalité, les entreprises au Japon n'ont fait aucun effort.
Le problème fondamental au Japon est le marché du travail, structuré pour un salarié ordinaire qui ne quitte jamais son poste. Tant que cette structure n'évolue pas, la situation ne changera pas. Les entreprises japonaises consacrent beaucoup d'efforts à former leurs cadres lors de leur embauche. Ils perdent cet investissement si les recrues (comme les femmes enceintes) s'absentent pendant de longues périodes.



Europe-Japon, un mariage d'inégaux

L'Union Européenne a attiré deux fois plus d'investissements japonais que le Japon n'a attiré d'investissements européens, selon le consultant Eurotechnology. Les financements japonais en Europe représentent aujourd'hui en stock 160 milliards d'euros, soit le double des investissements européens au Japon. Pour la seule année 2015, les investissements japonais sur le Vieux continent représentent déjà 6 milliards d'euros. Canon a acheté pour 2,8 milliards de dollars le leader suédois de la télévision par câble Axis AB. Hitachi a acquis­ les entreprises ferroviaires italiennes Ansaldobreda et Ansaldo pour 2 milliards de dollars. En France, le géant de l'assurance Sompo Japan Nipponkoa a repris 15% du réassureur Scor pour 915 millions de dollars.



Patriotes, unissez-vous !

Selon un sondage de l'institut de recherches WIN/Gallup, 11% seulement des Japonais sont prêts à prendre les armes pour défendre leur pays. Ce chiffre est le plus faible parmi 64 pays étudiés. Les Français sont 29%, les Anglais 27% et les Américains 44%. Les plus patriotes de la planète se trouveraient... aux îles Fidji !



Inégalités

Le Japon tombe à son tour dans le piège de l'inégalité. Selon l'OCDE, 16% de la population japonaise vit aujourd'hui en-dessous du seuil de pauvreté (défini par la moitié du revenu moyen dans un pays donné). Ce taux n'était que de 12% en 1985. Pour ce critère, le Japon est aujourd'hui en sandwich entre les États-Unis (17,6%) et la Grèce (15,1%). La France est à 8,1%.
« Les inégalités de revenus avant transferts sociaux se sont continuellement accrues depuis 25 ans », notait la Mission Économique dans une lettre d'information parue en août dernier.
Les Japonais ont été au moins égaux dans la dégradation de leurs conditions de vie : depuis 1992, ils ont perdu solidairement un quart de leur pouvoir d'achat. Aucune tranche de revenu n'a été épargnée. Mais ce décrochage pèse le plus sur les épaules des 90% les moins aisés de la population : -34% de revenus depuis 1991 ! Parmi les couches de la population les moins favorisées, la Mission Économique cite le cas des mères célibataires : 60% d'entre elles vivent sous le seuil de pauvreté.
Le Japon demeure moins inégalitaire que tous les pays anglo-saxons, mais plus inégalitaire que la quasi-totalité des pays européens. Enfin, les Japonais eux-mêmes estiment que leurs conditions de vie sont plutôt bonnes au regard des autres pays. Seulement 4% des ménages nippons déclarent des difficultés à se nourrir et 5% à se vêtir, soit deux fois moins qu'en France.


Avez-vous pensé à la Bulgarie ?

Ceux qui choisissent leur pays de résidence en fonction de leur régime fiscal ont trouvé leur point de chute : le Kazakhstan. Ce pays (avec la Bulgarie) est en effet celui qui offre le taux d'imposition le plus favorable aux expatriés (10%), selon le cabinet de consultant américain AIRINC. Le Japon, lui, se défend mal, avec un taux d'imposition de 51%. La France n'est pas non plus très bien notée, avec un taux d'imposition de ses expatriés à 54% selon AIRINC.


La Chine n'attire plus

Les entreprises manufacturières japonaises se redéployent en Asie face à la hausse des salaires dans la région. La Chine est la plus visée par ce mouvement. Les salaires versés aux ouvriers de l'Empire du Milieu grimpent d'au moins 10% tous les ans depuis des années. Or les employeurs japonais doivent aussi compter avec la mobilité professionnelle des ouvriers chinois. Ces derniers n'ont aujourd'hui que l'embarras du choix pour changer d'employeur. Enfin, le marché chinois donne des signes d'essoufflement : selon le Jetro, plus de la moitié des entreprises japonaises ne prévoient pas de croissance en Chine cette année. En revanche, elles sont beaucoup plus optimistes pour le reste de l'Asie. Pour leurs délocalisations, les entreprises japonaises favorisent désormais des pays au décollage économique plus récent, comme le Bangladesh ou la Birmanie. Un ouvrier à Pékin coûte 4 fois moins cher qu'un ouvrier japonais, mais 6,6 fois plus cher que son homologue à Dacca, 5 fois plus cher qu'un ouvrier birman, et... 84 fois plus cher qu'un ouvrier mongol. L'Indonésie est le pays de la zone qui connaît actuellement la plus forte inflation salariale en raison de la montée des prix de l'essence (+30% en 2014), estime le Jetro.



Soit deux trains à grande vitesse...

TGV et Shinkansen font la course sur les marchés mondiaux. Le Tohoku Shinkansen, le plus rapide des trains nippons actuellement en service, est aussi rapide que le meilleur TGV, à 320 kilomètres-heure. Mais le Chuo Shinkansen Maglev japonais promet de pouvoir attendre une vitesse de pointe de 603 kilomètres-heure.


Dieu n'est pas si important…

Les Français rejoignent les Japonais dans l'athéisme. Selon le centre de recherches américain PEW, seuls 10% des Japonais et 13% des Français estiment que la religion est très importante, contre 54% des Américains. Le taux de « religiosité » d'un peuple tend à diminuer avec son avancement économique (hormis l'exception remarquable des États-Unis). 98% des Pakistanais estiment que la religion est un sujet important. 

Partager cette page Partager sur FacebookPartager sur TwitterPartager sur Linkedin