Salaires : vers l'égalisation

Vers l'égalisation des salaires

Travailleurs précaires et travailleurs en CDI vivent dans deux univers parallèles au Japon. Le gouvernement veut égaliser leurs conditions de travail.

- 36%
\"À travail égal, salaire égal\" : ce principe bien connu des juristes du droit du travail peine à s'incarner au Japon. Il est pourtant inscrit noir sur blanc dans la loi de 2008 qui régit le statut des travailleurs temporaires. La part de ces derniers et autres travailleurs précaires ne cesse de progresser dans l'Archipel. Elle représente aujourd'hui 37% des emplois. Or ceux-ci ne reçoivent, selon les propres calculs du ministère du Travail, que 64% de la rémunération des personnes en contrat à durée indéterminée - sans compter les bonus, part importante du salaire au Japon – affectées aux mêmes emplois. Selon une étude du professeur Kotaro Tsuru, de l’université Keio, un tiers des intérimaires travaille depuis plus de dix ans dans la même entreprise sans recevoir le même salaire que les travailleurs réguliers assignés à la même tâche. Selon un avocat spécialiste du droit du travail l’inspection du travail ne sanctionne pratiquement jamais les employeurs à ce sujet, se contentant de leur donner un “avertissement” sans frais. Un tel laissez-faire oblige les victimes de ce système à aller elles-mêmes en justice, à leurs frais, pour se retrouver face à des juges qui dans la grande majorité des cas penchent pour le point de vue de l’employeur.

Grand écart
L’écart entre les deux catégories de travailleurs est tellement substantiel qu'il paraît impossible à combler. \"Éliminer cet écart se traduirait par des coûts très élevés pour l'employeur\" souligne Hiromichi Shirakawa, l'économiste en chef de Crédit Suisse auteur d'une étude sur le sujet. Le professeur Naohiro Yashiro, qui conseille le gouvernement Abe à ce propos, estime que la réforme n'aura pas lieu : \"elle pénalise trop les employés en milieu de carrière, qui sont sur le système de l'ancienneté\", pense-t-il.
À ce marché de l'emploi coupé en deux s'ajoute le problème du surmenage, fléau des entreprises qui fait chaque année des centaines de victimes. Après le décès tragique d'une employée de Dentsu, le gouvernement semble avoir pris la question à bras le corps. \"Nous constatons que le gouvernement est devenu très vigilant sur ce point\" explique Christophe Duchatellier qui dirige Adecco pour la région Asie-Pacifique à partir du Japon.

La solution
Une solution se trouve dans les gains de productivité selon Hiromichi Shirakawa. Si les entreprises parviennent à réduire les heures supplémentaires de leurs employés et affectent ces économies aux rémunérations des les travailleurs précaires, ils réduiront cet écart. Selon lui, la jeune génération pourrait y trouver son compte : elle ne souhaite pas être soumise aux mêmes horaires délirants que ses aînés et accepterait une réduction de ses heures supplémentaires, dût-elle se traduire par une stagnation ou une baisse de ses salaires (aujourd’hui les employés japonais effectuent en moyenne quinze heures supplémentaires par mois). Il reste une inconnue de taille : la sincérité du Premier ministre Shinzo Abe. Les lois garantissant l’égalité des rémunérations existent ; mais elles ne sont pas appliquées par les entreprises, pas imposées par le ministère du Travail, pas sanctionnées par les tribunaux. Jusqu’à aujourd’hui, ni lui ni sa majorité n’y ont trouvé à redire.

Partager cette page Partager sur FacebookPartager sur TwitterPartager sur Linkedin