Trésor national hyper-vivant

Le Nexus Hall de Chanel accueillait une très belle exposition du légendaire photographe Nobuyoshi Araki

Lorsqu’il quittera enfin l’existence, Nobuyoshi Araki tentera probablement de prendre une dernière photo, le doigt agité d’ultimes spasmes, poursuivant l’œuvre qui s’est confondue avec sa vie depuis cinquante ans. Ce photographe compulsif (plus de 450 livres publiés), grande figure artistique de l’après-guerre nipponne, capture tout ce qui passe devant son objectif. Tout le monde a son portfolio personnel de photos d’Araki, car il a touché à tous les sujets : chats, femmes encordées, ciel, parties fines... Les Japonais de sa génération connaissent tous Sentimental journey, journal intime, écrit et visuel, sur son épouse atteinte d’un cancer. Comme son camarade Takeshi Kitano, il est un artiste populaire dans son pays et un intellectuel estimé à l’étranger. La rumeur le disait mal en point, frappé par la maladie ; il a jailli comme un diable de sa boîte au Nexus Hall de Chanel fin juin pour présenter Tombeau Tokyo, une balade entre ses photographies et celles du fonds de photographies japonaises du musée Guimet. Plus défiant que jamais. "J’ai déjà un pied dans la tombe. Je me demande quelles photos je prendrai après être passé de l’autre côté", dit-il. Les dieux sont prévenus...

Stupéfiante qualité

L’exposition est aussi l’occasion d’un éclairage sur la stupéfiante qualité du patrimoine photographique du Japon par Jérôme Ghesquière, responsable du fonds photographique du musée Guimet et commissaire de l’exposition. Ce dernier est en train de faire entrer le patrimoine photographique de l’Asie dans son institution, en particulier celui du Japon. "Quand je suis arrivé au musée nous possédions une trentaine d’albums nippons. En 2007 j’ai proposé au musée Guimet l’acquisition de la collection du docteur Joseph Dubois, un passionné de photographies et de Japon. Il y avait 300 albums, soit 18.000 photographies. Depuis trois ans nous commençons sa valorisation dans le cadre de l’exposition Kyotographie à Kyoto et avec l’université de Nagasaki. Il y a beaucoup de photographies coloriées (photo) - ce qui est une spécificité japonaise. Nous commençons à acheter des œuvres de photographes contemporains, comme Takashi Arai", explique-t-il.

Un seul pays semble indifférent à l’engouement pour la photographie de l’Archipel : le Japon. Le récent décès de Shomei Tomatsu a été accueilli avec indifférence. Heureusement qu’il y a les autres. Notamment Lucille Reyboz, productrice (avec Yusuke Nakanishi) du festival Kyotographie qui a lieu à Kyoto chaque année. "Les Japonais nous posent des questions très naïves. Mais ils ne demandent qu’à connaître leur culture, comme le montrent les retours de Kyotographie. Nous avons eu plus de 6000 visiteurs lors de notre dernière exposition", s’enthousiasme Jérôme Ghesquière. 

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