Analyse : TVA, l'épreuve des faits

Les consommateurs japonais vont devoir digérer la hausse de la TVA 

Dans leur argumentaire contre un relèvement de 5% à 8% de la taxe sur la consommation, les politiciens les plus pessimistes prédisaient, en début d’année, une apocalypse économique comparable à celle de 1997, lorsque le Japon avait augmenté pour la dernière fois son taux de TVA. La consommation allait s’écrouler. Les entreprises devaient paniquer. Et la relance allait se transformer en récession. Plus de trois mois après la hausse du taux, tous les experts notent que ce schéma catastrophique ne s’est finalement pas enclenché car les facteurs externes ayant compliqué l’activité en 1997, et notamment la crise financière asiatique, n’étaient cette fois pas en place.
Pourtant, dans les premières semaines qui ont suivi la hausse de la TVA, la consommation a été beaucoup plus sévèrement malmenée en 2014 qu’en 1997. Pour mesurer l’impact réel de ce rélèvement, les analystes de Goldman Sachs, emmenés à Tokyo par Naohiko Baba, ont comparé les ventes dans le pays à leur ligne de tendance dite « douce » qui se dessine sur le temps long. Ils ont noté que le bond de demande enregistré dans les magasins en mars dernier avant l’augmentation de la taxe avait été moins dynamique que celui mesuré en 1997. Il a atteint 4,2% en 2014 contre 5,5% lors du relèvement il y a 17 ans. Sur le mois d’avril, la chute de la consommation a ensuite été beaucoup plus brutale. Elle a plongé de 4,1% par rapport à la tendance de fond alors qu’elle n’avait baissé, selon cet indice, que de seulement 1% en avril 1997.

Un impact sur beaucoup de secteurs
La plupart des secteurs ont souffert en avril. Les ventes d’automobiles ont reculé, en glissement annuel, de 10,2% avant d’enregistrer un recul un peu moins marqué en mai, après le lancement de nombreux nouveaux modèles. Les grands magasins ont vu leur chiffre d’affaires perdre 10,6% en avril quand cette baisse frôlait les 5% dans les supermarchés, traditionnellement moins impactés par ces phénomènes. Le mois d’avril a aussi été très difficile pour les vendeurs de réfrigérateurs et autres machines à laver. Même s’ils semblent, eux aussi, miser sur un retour à des volumes de ventes normaux cet été. « Les informations que nous recueillons pour le moment concordent avec notre perception d’une consommation toujours solide », avancent, dans une note à leurs clients, les analystes de Nomura.
Si tous les experts parient sur une normalisation des volumes de vente dans les prochaines semaines, ils s’inquiètent de l’impact à plus long terme de la hausse de la TVA sur le pouvoir d’achat des ménages. « Les revenus réels avaient commencé à se détériorer six mois avant le relèvement de la taxe sur la consommation », rappelle Naohiko Baba, qui redoute un phénomène plus accentué qu’en 1997. La hausse de la TVA s’ajoute en effet, cette année, au retour de l’inflation orchestrée par la Banque du Japon, qui n’a toujours pas été compensée par la hausse des salaires de base suggérée par le gouvernement. « Nous avons calculé qu’une baisse des revenus réels d’environ 3% sur l’exercice fiscal induirait un recul, sur un an, de 1% de la consommation », indiquent les économistes de Goldman Sachs.
Sans réaction des grandes entreprises qui viennent d’annoncer des résultats spectaculaires, le pouvoir d’achat des ménages japonais risque de reculer pour la troisième année consécutive. Cela devrait contrarier grandement le bon déploiement des Abenomics, qui s’appuie sur une bonne tenue de la consommation. Le Premier ministre Shinzo Abe, qui promet dans le même temps de baisser le taux de l’impôt sur les sociétés, risque aussi d’avoir beaucoup de mal à faire accepter par ses soutiens politiques et par l’opinion publique le second volet de la hausse de TVA nécessaire à un assainissement des finances publiques. Tokyo doit en théorie confirmer ce second relèvement, de 8% à 10%, en fin d’année, pour une mise en application en octobre 2015.

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