Chronique du yen changeant

Les samouraïs, une valeur sûre

Les obligations samouraï sont très prisées des Français
Les Abenomics pourraient finalement profiter au Crédit Agricole, à Renault et au gouvernement polonais. En décochant, en avril dernier, la seconde flèche de sa stratégie de relance économique, le gouvernement japonais, emmené par Shinzo Abe, a bouleversé les marchés financiers nationaux et poussé plusieurs de ses grands investisseurs à revoir leurs stratégies de placements. Ne pouvant plus acheter aussi massivement qu’ils le faisaient habituellement des obligations d’État, qui sont désormais absorbées à plus de 70% par la Banque du Japon, les grandes banques, les fonds et les assureurs de l’archipel se sont mis en quête d’investissements sûrs et rentables. Ils ont ainsi redécouvert, ces derniers mois, le marché des « obligations samouraï », soit de la dette vendue au Japon, en yens, par des institutionnels étrangers.
Si cette offre s’est heurtée en début d’année à une demande étrangère timorée sur ce marché, plusieurs gouvernements ou groupes financiers ont eu, depuis le printemps, recours à ces produits pour se financer.

Record historique
Ils auraient été séduits par la stabilité des conditions offertes dans l’Archipel au moment où les autres marchés obligataires de la planète se retrouvaient agités par les rumeurs d’un bouleversement de la politique monétaire américaine. En laissant entendre le 19 juin que la Réserve fédérale américaine commençait à envisager de contenir son programme d’assouplissement quantitatif, Ben Bernanke avait provoqué un affolement de plusieurs grandes places financières et ravivé la volatilité des taux d’intérêt. Si les rendements japonais ont, eux aussi, réagi à l’annonce américaine, ils n’ont connu que des mouvements limités. Séduits par cette apparente sagesse, l’État mexicain est venu lever 80 milliards de yens en juillet. En novembre, la Pologne a levé 60 milliards de yens dans l’Archipel.
Les banques occidentales arrivent, elles aussi, en masse sur ce marché. Crédit Agricole a ainsi réussi sa première émission d’obligations samouraï avec une levée de 65,3 milliards de yens, distribués sur cinq souches : à 2, 3 et 5 ans pour les coupons fixes, et 3 et 5 ans pour les taux variables. Et début décembre, la française BPCE a réussi une levée record de 131,6 milliards de yens, soit 949 millions d’euros. Cela représente la plus grande émission de ce genre jamais réalisée par une banque française mais également la plus grosse levée de toute l’année sur ce marché. Sur l’ensemble de 2013, les banques françaises auront généré 468 milliards de yens d’obligations samouraï soit près du tiers du montant total émis par des groupes financiers étrangers qui cherchent de plus en plus à diversifier leurs sources de financement.

Un placement intéressant
Confrontés après la crise des subprimes à la fermeture pendant plusieurs mois du marché en euro et à des tensions sur le marché dollar, les institutionnels voient désormais dans les marchés financiers japonais une alternative saine et bon marché pour emprunter. « Il y a un volume d’épargne considérable dans le pays, et les investisseurs ont besoin de nouveaux produits pour placer leur argent », résume un expert, qui note que les taux d’intérêt sur ces titres sont particulièrement bas et parfois plus avantageux que les taux pratiqués, pour des maturités similaires, en Europe ou aux États-Unis.
Dans les prochains mois, cet avantage économique pourrait inciter plus d’entreprises étrangères à s’aventurer sur ce marché. Leurs emprunts en yens restent pour l’instant bien inférieurs à ceux lancés par les groupes financiers et les gouvernements. Le français Renault, soutenu par le japonais Nissan, est toutefois déjà un émetteur régulier. Air Liquide et Saint-Gobain, tous les deux très bien implantés au Japon, ont aussi déjà eu recours à ces outils pour notamment financer des activités en yen. Et d’autres industriels de l’Hexagone seraient sur le point d’oser entamer la démarche présentée comme assez complexe et chronophage. Avant d’acheter des obligations samouraï, Les investisseurs japonais apprécient, en effet, de rencontrer le management des groupes au fil d’importants road shows organisés dans l’Archipel.

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