ENEFARMS Faux départ, vrai arrêt ?

ENEFARMS Faux départ, vrai arrêt ?

Au Japon, 200.000 maisons sont branchées sur des piles à combustible

Le gouvernement nippon rêve d'une société fonction­nant à l'hydrogène mais n'arrive pas à faire décoller les ventes des ENE-farms. Si Toyota et Honda veulent croire que l'hydro­gène pourrait remplacer l'essence dans les berlines du futur, des électriciens nippons et des géants de l'électronique estiment, eux, que les familles de l'Archipel pourraient bientôt massivement choisir d'alimenter leurs maisons et leurs appartements avec des piles à combustible. Dans les quartiers en pleine mutation, comme près d'Ikebukuro dans le nord de Tokyo, de plus en plus de hauts placards blancs marqués des mots ENE-farm font ainsi leur apparition au dos des maisons neuves. Reliés au réseau de Tokyo Gas, ces généra­teurs extraient l'hydrogène du gaz de ville et pro­duisent lors d'une interaction avec de l'oxygène de l'électricité ainsi que de la chaleur pour le logement.

Sur le papier, cette énergie est une aubaine pour le Japon. Le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, aime ainsi décrire l'hydrogène comme « l'énergie du futur » pour l'Archipel, qui doit importer pour le moment, au prix fort, la totalité du charbon, du gaz et du pétrole qu'il consomme dans ses centrales électriques. Avec ces piles à combustible qui ne rejettent que de l'eau, le pays pourrait aussi ré­duire ses émissions de gaz à effet de serre. Cette technologie pourrait, enfin, lui permettre de garan­tir un minimum de production de courant lorsque des catastrophes naturelles endommagent le réseau électrique conventionnel.

LE PRIX, BARRIÈRE À L'ENTRÉE

Pourtant, les ventes de cette technologie ne pro­gressent que très lentement au Japon. L'an dernier, Panasonic, qui contrôle plus de 50 % du marché, n'a écoulé que 23.700 ENE-farms. En cumulé, cela représente 100.000 installations pour la marque depuis le lancement de cette solution en 2009, sur un marché total évalué à 200.000 unités. « Cela ne correspond qu'à 0,5 % de foyers équipés », note un analyste. « Nous anticipons une croissance un peu plus rapide avec le recul du prix des installations et l'offre de systèmes moins encombrants », assure Kyoko Ishii, une porte-parole de Panasonic.

Les objectifs gouvernementaux sont encore loin­tains. Tokyo avait espéré 1,4 million de logements équipés en 2020 puis 5,3 millions en 2030. Les der­nières projections n'anticipent qu'un demi-million d'unités en place dans trois ans.

« Nous ne voyons pas le pays atteindre ses objectifs de déploiement », confirme Ali Izadi-Najafabadi, un analyste de Bloomberg New Energy Finance à Tokyo.

Le prix reste une barrière à l'entrée élevée pour les familles. Une « ferme » coûte encore environ 1,6 million de yens (13.000 euros) dans le pays. « Le Japon étant le seul pays à promouvoir les ENE-farms, le rythme de réduction des coûts est lent », note l'expert. Profitant d'une intense compétition internationale, les installations couplant des pan­neaux solaires à des batteries lithium-ion pour les maisons de particuliers ont dans le même temps vu leurs prix s'effondrer au point de devenir meilleur marché que les technologies à l'hydrogène, que le gouvernement subventionne de moins en moins généreusement. Par ailleurs, la déréglementation en avril 2016 du marché de l'électricité au Japon a enfin permis aux géants du gaz de vendre directe­ment de l'électricité aux particuliers. « De ce fait, ils ont moins de motivation à vendre des ENE-farms », note Ali Izadi-Najafabadi.

Conscients de ces résistances, les acteurs japonais de la filière se lancent à la conquête des marchés étrangers. Panasonic a ainsi commencé la promotion, avec le groupe Viessmann, de systèmes à l'hydro­gène en Allemagne. Dans les prochains mois, le leader japonais s'intéressera à la Grande-Bretagne, l'Autriche et la France.

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