Le PLD est de retour

Le PLD est de retour. Mais ce sont les sénatoriales de juillet qui seront capitales

 

Revers
C’est un revers inédit dans l’histoire électorale. Lors des élections du 16 décembre dernier, le Parti Démocrate du Japon (PDJ) est passé de 308 à 57 sièges. Le Parti de la Restauration du Japon, à peine créé, a fait presque autant (54 sièges) que ce bastion de l’opposition. Une déconfiture complète pour l’équipe qui avait, trois ans plus tôt, offert au pays sa première alternance politique. Au terme des élections législatives de 2009, l’indéboulonnable Parti Libéral Démocrate (PLD), au pouvoir depuis un demi-siècle, avait rétréci de 303 à 119 sièges. « Les choses sérieuses commencent pour le PDJ », titrait la presse de l’époque. Ont-elles jamais commencé ? Trois ans plus tard, l’électorat a massivement répondu : « Non ». Le PLD a remporté 79% des sièges à la chambre Basse, soit 294 sièges. Il contrôle la majorité des deux tiers à la Chambre Basse avec son allié le Nouveau Komeito.
Le détail des résultats force pourtant le PLD à un peu de modestie : car ce score n’a été atteint qu’avec 43% des votes. Plus surprenant encore : ce parti a obtenu 2,5 millions de voix de moins que lors de sa défaite aux législatives de 2009. En ce sens, ces élections furent clairement une répudiation du PDJ, non une adhésion au PLD. 41% des électeurs ne se sont pas déplacés.
Un tel résultat force le Premier ministre à la prudence. Ce d’autant qu’auront lieu en juillet des élections sénatoriales cruciales pour lui. Soit elles conforteront le bon résultat des législatives, et lui donneront une perspective de trois années sans élections pour poursuivre sa politique (les prochaines législatives auront lieu en 2016) ; soit elles infirmeront les législatives, et en feront un nouveau Premier ministre sans authentique majorité, prisonnier des partis. La majorité des deux tiers qu’il a remportée avec le Nouveau Komeito (bouddhiste) lui permet certes de négliger la chambre Haute pour l’essentiel de sa politique. Mais s’il y remporte aussi la majorité, il pourra engager des réformes beaucoup plus profondes, et peut-être même la réforme constitutionnelle dont il rêve pour le pays. « Une perspective de trois ans est rarissime dans l’histoire politique japonaise. S’il obtient la majorité en juillet, il pourra vraiment engager les réformes de son choix » pronostique Hiroshi Ueki, l’analyste politique de Goldman Sachs. Pour l’instant, il ne fait aucun doute qu’il les remportera. Le PLD se présentera pour ainsi dire seul. Le PDJ a été atomisé. Inaudible lorsqu’il était au pouvoir, il est devenu muet en repassant dans l’opposition. Défense, budget, yen fort... On ne l’entend sur rien.

Des surprises
Sur le plan économique, le PLD est vite revenu aux vieilles recettes qui ont fait sa fortune électorale : le soutien au bâtiment et à l’agriculture. La première mesure du gouvernement Abe fut de voter un énorme plan de relance de 10.300 milliards de yens (175 milliards d’euros) qui sera consacré à des travaux publics. Et le PLD continue, sous la pression de son électorat agricole, à mégoter sa participation aux négociations TPP, qui créeraient une immense zone de libre-échange en Asie-Pacifique, au détriment desdits agriculteurs-électeurs.
Hiroshi Ueki souligne pourtant la diversité nouvelle du parti. Le PLD s’est détaché de sa base rurale, a progressé dans les villes et a intégré une nouvelle génération d’hommes politiques qui refusent le statu quo. « Vous serez surpris. Les débats internes sont vifs. Beaucoup demandent une modernisation du Japon, et une ouverture au monde », prédit Hiroshi Ueki. Un passage du discours de politique générale de Shinzo Abe le 28 janvier montre qu’il a conscience de cette « nécessaire modernisation » : « Nous voulons fonder une société qui attire les investissements et les ressources humaines du monde entier, dans laquelle tous, jeunes et vieux, sans distinction d’âge ou de capacité, ont un but dans la vie et à qui on donne toujours une chance. (...) Une société dans laquelle les mères au travail peuvent poursuivre leur propre carrière, et dans laquelle hommes et femmes peuvent concilier emploi et éducation des enfants ». Ces appels à l’internationalisation du Japon, à la féminisation de sa population active, sont-ils sincères ? La communauté d’affaires en tout cas, japonaise comme étrangère, a accueilli comme une très bonne nouvelle le retour du PLD. « C’est la grande revanche. Ils veulent faire beaucoup de choses », commente le lobbyiste au Japon d’une grande société américaine. Vraiment ? « Le PLD savait distribuer les fruits de la croissance, mais il ne sait pas partager les sacrifices. Jeunes contre vieux ; villes contre campagnes ; militants contre électeurs indécis ; toutes ces catégories ont des priorités contradictoires, entre lesquelles le PLD ne tranche jamais. Ceci n’est pas un retour du PLD à long terme, juste une nouvelle étape dans la transformation politique du Japon. Les forces qui ont abattu le PLD une première fois sont toujours là, et le PLD est incapable de les combattre » estime l’économiste Richard Katz.
Shinzo Abe ajoute sa touche personnelle à la majorité PLD. Il est « génétiquement » conservateur, ayant hérité sa conception de la société de son grand-père Nobusuke Kishi, grande figure du Japon militariste des années 30. Partisan farouche d’une éducation patriotique, il souhaite revenir sur tous les actes de contrition officiels du Japon après les massacres de l’Armée Impériale au vingtième siècle. Le même homme fût, en 2006, l’auteur d’un rapprochement entre la Chine et le Japon alors que les relations des deux pays étaient au plus bas. Cette fois, ses proches estiment cependant qu’il suivra ses premiers instincts : « Même ses conseillers sont apeurés par son extrémisme », avertit le politologue Takao Toshikawa.

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