Pile à combustible : le Japon passe la vitesse supérieure

L’Archipel met un effort particulier sur l’hydrogène pour préparer son futur mix énergétique

Regain
La catastrophe du 11 mars 2011 a remis l’hydrogène-énergie au goût du jour au Japon. La soudaine odeur de soufre qui entoure le nucléaire dans l’opinion publique japonaise,  la mise à l’arrêt du parc nucléaire national et l’explosion de la facture des importations d’énergies fossiles ont forcé l’Archipel à se tourner vers de nouvelles formes d’énergie. Nouvelle ? La solution de l’hydrogène-énergie est en réalité poursuivie de longue date par l’Archipel. « Depuis deux décennies, plusieurs industriels japonais, notamment les grands constructeurs automobiles, travaillent sur les piles à combustible de demain, domaine dans lequel ils détiennent aujourd’hui la moitié des brevets déposés dans le monde », note Guillaume Charmier, du Service Scientifique de l’Ambassade de France, dans une note publiée en décembre 2012.« L’Archipel est, avec l’Allemagne, le pays le plus avancé dans le développement de l’hydrogène comme source d’énergie », confirme un industriel.

L'hydrogène n'a pas bonne presse partout. « Le problème de l'hydrogène est qu'il faut le fabriquer, donc dépenser une autre énergie en amont », raille un scientifique français venu étudier le véhicule électrique au Japon. « Oui, mais c'est un vecteur de stockage et de transport d'énergie à travers la pile à combustible. La densité d'énergie de l'hydrogène est très élevée », rétorque notre industriel. L’hydrogène permet de stocker d’autres sources d’énergie comme le nucléaire, le solaire et l’éolien, et ce stockage lui-même permet des économies d’énergie en optimisant sa distribution. Autre avantage de l’hydrogène énergie : il peut être produit localement. Un avantage de plus pour un Japon qui cherche à décentraliser sa production d’électricité.

Trois usages
La pile à combustible a trois usages, et le Japon est présent sur les trois. « Le ministère de l’Industrie METI a récemment publié un nouveau plan stratégique dans lequel l’hydrogène a pris de l’importance » assure Etienne Lepoutre, qui dirige Air Liquide au Japon. Le groupe français est un des rares acteurs étrangers à faire partie d’un consortium d’entreprises de la filière (constructeurs automobiles, gaziers, équipementiers, raffineurs) engagées à développer l’hydrogène-énergie au Japon depuis les années 2000. Il a déjà réalisé plusieurs  stations à hydrogène dans l’Archipel.
L’usage résidentiel est particulièrement développé par Tokyo Gas et son système d’alimentation électrique du foyer dit ENEFARM, une pile à combustible qui cogénère électricité et eau chaude. Une étude de Fuji Keizai table sur 136.100 foyers alimentés à l’hydrogène en 2015, et 450.000 en 2030. L’usage industriel consiste en piles stationnaires qui stockent de l’électricité d’appoint, hors réseau. Fuji Keizai en prévoit 1300 en 2014 et 4000 en 2020.
L’usage automobile enfin, sur lequel le Japon semble placer de grands espoirs. L’automobile demeure le fer de lance de l’industrie de l’Archipel. Ce dernier se doit de demeurer leader technologique dans ce domaine. Avec l’hydrogène-énergie, il ne répond certes pas aux problématiques des pays en développement, qui sont les marchés automobiles de demain, mais il répond à celles des riches pays développés, qui souhaitent réduire leur consommation d’énergie et sa pollution.

Le Japon

Le Japon lui-même s’est promis de n’avoir plus que seulement 50 à 80% des véhicules roulant à l’essence d’ici 2020. Or la pile à combustible, si elle n’est pas encore commercialisée à grande échelle, présente de grands avantages face aux autres énergies: elle est silencieuse, autonome, dense en énergie et propre (à la production d’énergie). La solution de l’hydrogène est avantageuse surtout pour les longues distances, en raison de la densité d’énergie qu’elle permet. « Les véhicules à pile à combustible hydrogène présentent des  avantages  similaires à ceux des véhicules 100% électriques mais avec une autonomie accrue (de l’ordre de 500 à 600 kilomètres) et une facilité de remplissage », note Air Liquide Japon dans un communiqué.
Honda, Nissan et Toyota travaillent activement dans ce domaine au Japon. Le premier a lancé un véhicule fonctionnant à la pile à combustible dès 2008, et en préparerait un nouveau en 2015. Le président d’Honda, Takanobu Ito, est allé jusqu’à affirmer que pour lui, l’hydrogène serait « la dernière étape de la voiture de demain ». Toyota prévoit de lancer un véhicule à hydrogène dès 2015. Nissan enfin veut lancer son propre modèle 2 ans après 2015. Pour alimenter ces nouveaux véhicules, une centaine de stations à hydrogène verront le jour dans le pays d’ici 2015, début d’un maillage de tout le pays selon le METI, au rythme de 100 stations par an. Le METI prévoit que 840.000 véhicules rouleront à l’hydrogène d’ici 2025 au Japon. Un chiffre encore relativement modeste, qui représente 1 à 3% du marché japonais.

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