Edito : Place aux jeunes

Si les Jeux Olympiques reflètent la santé de la jeunesse d’un pays, ceux de Sotchi, en Russie, ont montré des Japonais en pleine forme. Les athlètes qui ont triomphé aux Jeux Olympiques d'hiver sont-ils bien de cette fameuse génération « perdue », qui vit depuis vingt ans dans une économie en stagnation, où les salaires baissent et l’emploi précaire est devenu la norme ? Ce qui est certain, c'est que les vieux du pays ne les aident pas.

La génération des plus de 65 ans est arrivée sur le marché du travail au milieu de l’effort de reconstruction du pays entrepris par leurs parents après la Seconde guerre mondiale. Ils ont profité à la fois de l’effort engagé, de la croissance, du plein emploi et de l'accumulation des richesses. Depuis leur arrivée aux commandes ils ont connu la Bulle, son explosion, et l’incapacité de gérer la suite. Comme ailleurs, cette génération figée s’accroche à son pouvoir, son argent, et ne laisse que peu de place à ses cadets. Elle laisse le précariat se généraliser. À moins qu'elle se retrouve au pied du mur, elle s'épargne toute restructuration industrielle. Elle a grevé le pays de dettes, qu'elle lègue à la génération suivante, tout en la critiquant vertement. On serait démoralisé à moins.

Paradoxalement, il y a un espoir économique. Le pays va perdre un tiers de sa population en cinquante ans si la tendance actuelle de la démographie japonaise se poursuit. Un tel déclin naturel, sans guerre ni épidémie, est rare dans l’histoire de l’Humanité. Est-ce, en soi, un désastre ?

Après tout, un objectif de maintien du PNB suffirait à générer une croissance par habitant très confortable. Un simple effet mécanique assurera le plein emploi, tandis que les transferts privés et les droits de succession rembourseront la dette de la nation. En 2050, ce pays sera économiquement aussi important au plan mondial que l’Allemagne aujourd’hui. Libéré des carcans du passé, le Japon aura développé une société nouvelle autour d’une vie plus longue, une industrie de robots, de prévention et d’assistance médicale, et d’autres domaines d’avenir où son expérience de pionnier lui ouvrira les marchés de tous les pays qui suivent le même chemin démographique.

L'autre raison de ne pas désespérer est de se pencher sur la réalité des créations d'entreprises au Japon aujourd'hui. Les réussites les plus impressionnantes de ces dernières années sont celles de sociétés créées ex nihilo par les jeunes, et qui visent souvent une clientèle jeune : GREE, DeNA, LINE, SOFTBANK, RAKUTEN n'existaient pas il y a vingt ans. Ces groupes, à l'ascension fulgurante, tordent le cou de cette idée que le Japon est figé. Ils ont inventé des marchés entiers en quelques années comme dans la Silicon Valley .

Nos rencontres avec les étudiants nous montrent que la jeunesse japonaise est à la fois plus studieuse et plus entreprenante que jamais. Le niveau des universités monte, en même temps que l'envie des jeunes de prendre leur destin en main et créer leur propre entreprise. Ces jeunes ont conservé les qualités essentielles de leurs parents (loyauté, amour du travail, respect de l'effort, curiosité), mais ils ne veulent plus reproduire leur schéma de carrière, tracé mais plein de servitude. C'est plutôt une bonne nouvelle.

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