Edito : Un Français au volant

L'annonce de la nomination du Français Didier Leroy au poste de vice-président exécutif de Toyota en janvier a été commentée dans le monde entier. Pour la première fois, un étranger atteint ce niveau de responsabilité chez le premier constructeur automobile mondial. Placé sous la responsabilité directe du directeur général Akio Toyoda, Didier Leroy dirigera la plus grosse division du groupe (qui couvre notamment les activités commerciales au Japon). Il devient le numéro deux officieux du constructeur japonais. Cette annonce a lieu quelques semaines après celle de la nomination d'un autre Français, Christophe Weber, à la direction du géant pharmaceutique japonais Takeda.
Ces décisions fortes sont aussi des signaux envoyés aux étrangers qui hésitent à travailler dans une entreprise japonaise. « Très souvent, les gens me prévenaient que je n'aurais jamais de responsabilités en intégrant une société japonaise. Je crois qu'ils se sont un peu trompés... Chez Toyota il faut gagner ses galons, respecter ses engagements, et obtenir des résultats », a expliqué Didier Leroy à l'annonce de sa nomination.
Les directions des entreprises japonaises pensent souvent que le recrutement d'un étranger, à des conditions ultra-favorables, à un poste clé, leur permettra de « mondialiser » rapidement leur société à moindres frais. Cette méthode a toujours échoué à de rares exceptions près. L'approche de Toyota n'est, heureusement pour lui, pas celle-ci. Didier Leroy est le contraire d'un "parachuté". Il est un homme du sérail, entré en 1998 chez Toyota, où il a, pour reprendre son expression, "gagné ses galons" à la direction de l'usine de Valenciennes-Onnaing. Cet enfant du pays (il est originaire de la ville voisine de Douai) a fait de cette dernière un des fleurons du groupe, avec une productivité record combinée à l'amélioration constante de la qualité de la production. « Je n'ai pas cherché à copier les méthodes japonaises, mais à les faire assimiler par les équipes locales. J'ai rendu simple ce qui paraissait compliqué », a-t-il expliqué. La Yaris, véhicule produit à Valenciennes, est depuis 1999 la voiture asiatique la plus vendue en Europe, avec 3 millions d'exemplaires écoulés. « Nous sommes redevenus rentables en Europe et nous sommes parvenus à produire des voitures milieu de gamme en France alors qu'on nous dit souvent qu'il faut produire du haut de gamme », résume le Français. « J'ai connu Didier Leroy quand il était que directeur de la production chez Toyota France. Il avait une vision à court, moyen et long terme en même temps. Qui a eu davantage de succès que lui dans l'industrie automobile française ? », s'interroge faussement un de ses anciens collaborateurs.
Cette nomination est dans la ligne logique de la mondialisation de Toyota, après celle de ses ventes et de sa production. Toyota réalise aujourd'hui 83% de son chiffre d'affaires à l'étranger, et produit les deux tiers de ses véhicules hors du Japon.
En France, selon une étude du cabinet EY, la proportion des administrateurs étrangers dans les conseils des sociétés du CAC40 est de 30%, tandis que leur chiffre d'affaires à l'étranger est de 33%. Au Japon, selon un think tank du gouvernement japonais, 99% des 3400 principales entreprises japonaise n'ont aucun étranger parmi leur conseil d'administration. Cette nomination est donc un signal très important, qui renforcera la tendance à faire appel aux administrateurs extérieurs, y compris non Japonais pour les entreprises japonaises.

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