Analyses & Etudes

Entrée en vigueur d'un régime d'actions de groupe ou Class Actions au Japon

La Chambre est heureuse d’ouvrir sa rubrique « Point Juridique » à un article aimablement fourni par Kazuyasu Shiraishi, avocat associé, et Davy Le Doussal, Foreign Law Counsel, TMI Associates.

Par Kazuyasu Shiraishi, avocat associé, et Davy Le Doussal, Foreign Law Counsel, TMI Associates

Le Parlement japonais a adopté le 4 décembre 2013 un projet de loi introduisant un régime d’actions de groupe. Suite à la publication de ses textes d’application, ce régime d’actions de groupe entrera en vigueur le 1er octobre 2016.

Depuis une réforme de la loi sur les contrats à la consommation de 2007, certaines associations de consommateurs étaient déjà autorisées à demander une injonction pour prévenir la commission de certains actes portant préjudice aux consommateurs (差止請求 ou sashitomeseikyû). Bien que ce genre d’actions de groupe ne peut, contrairement au nouveau système, conduire à une injonction et non à une réparation des prejudices subis, il n’en a pas moins connu un certain succès avec près de 264 actions concernant les milieux de l’immobilier, de l’automobile et de l’habillement qui ont abouti à des annulations ou modifications de clauses contractuelles contraires à la loi sur les contrats à la consommation du 5 juillet 2003.

Malgré cette possibilité, en 2012, soit un an avant l’adoption du régime des actions de groupe, le nombre de consultations reçues par le centre de protection des consommateurs était de 850.000 dont beaucoup concernait des produits et services identiques fournis par un même professionnel. En raison d’un déséquilibre de moyens existant entre les consommateurs et les professionnnels et la relative faiblesse des montants en jeu (moins de 100.000 yens pour approximativement la moitié des consultations en 2012), on estime que plus du tiers des litiges restait non résolus au grand dam des consommateurs. Avec l’introduction des actions de groupe, les pouvoirs publics japonais souhaitent permettre aux consommateurs d’obtenir réparation des professionnels d’une manière plus simple et plus rapide selon un mécanisme en deux étapes décrit ci-dessous de manière schématique

1- Première étape

1.1 Lancement d’une action de groupe par une association de consommateurs agréée

(« Specified Qualified Consumer Organisation »)

Dans le système mis en place au Japon, seules les associations de consommateurs qui seront agréées par le Premier Ministre seront autorisées à initier la première étape de la procédure en introduisant une action devant les tribunaux contre les professionnels. Les consommateurs ne seront pas libres d’initier ces actions de groupe (étant toutefois entendu que chacun d’entre eux demeure libre d’intenter en son nom une action contre le professionnel concerné). Le régime japonais diffère du régime en vigueur aux Etats-Unis sur ce point de la participation directe des consommateurs.

1.2. Examen de la recevabilité par le tribunal

Pendant la première étape de la procédure, le tribunal devra déterminer les points de droit et de fait communs à un nombre important de consommateurs lésés et à un professionnel et ainsi s’assurer de la recevabilité de l’action de groupe.

Dans ce cadre, le tribunal devra vérifier que les réclamations sont afférentes à un contrat passé entre un consommateur et un professionnel (‘”contrat à la consommation”) et qu’elles tombent dans l’une des catégories suivantes:

▪ action en exécution d’un contrat à la consommation,
 action en restitution sur le fondement de l’enrichissement sans cause résultant de l’inexistence, de la résolution ou de la nullité d’un contrat à la consommation,
▪ action en indemnisation reposant sur un vice affectant un contrat de consommation ou sur la responsabilité du fait des produits défectueux,
▪ action en réparation d’un préjudice résultant d’un délit visé dans le code civil et commis dans le cadre de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat à la consommation.

A la différence du système en vigueur aux Etats-Unis, les demandes financières dérivant directement de contrats à la consommation sont seules admises. Les pertes de profits, les dommages et intérêts pour blessure à la personne ou décès et les dommages et intérêts pour préjudice psychique sont donc exclues.

A l’issue de la première étape, le tribunal rend un jugement déclaratoire s’il a la conviction que, entre autres, la conduite du professionnel a eu un impact sur un grand nombre de consommateurs (en principe, quelques dizaines de consommateurs devraient suffire pour satisfaire cette condition liée au nombre) et que les compensations qu’ils réclament dérivent d’une base commune tant en droit qu’en fait.

2- Deuxième étape

2.1 Recueil des plaintes individuelles par les associations de consommateurs agréées

Si la demande présentée par l’association de consommateurs agréée est accueillie favorablement, cette dernière pourra alors introduire une demande pour initier la deuxième étape et, par tous moyens appropriés, y compris Internet, notifier de manière générale et individuelle aux consommateurs lésés qui ont des réclamations communes qu’ils peuvent participer à la seconde étape de la procédure. L’association de consommateurs agréée peut demander au tribunal d’ordonner à l’opérateur économique de lui donner les informations relatives aux consommateurs lésés qui lui sont nécessaires pour effectuer les notifications individuelles si le professionnel concerné refuse de founir lesdites informations à l’association qui lui en aura adressé la demande.

2-2 Détermination du montant de la réparation

L’objectif principal de cette seconde étape est de déterminer le montant de la réparation qui doit être versée à chacun des consommateurs lésés. Si le professionnel admet les demandes qui lui ont été notifiées par l’association de consommateurs agréée, le montant des demandes en réparation des consommateurs sera considéré comme définitif. En l’absence d’une telle admission par le professionnel, le tribunal statuera. Des recours contre la décision du tribunal seront possibles dans le cadre des procédures contentieuses ordinaires.

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L’adoption de ce régime d’actions de groupe devrait augmenter les risques de litiges avec les consommateurs parce qu’il rendra plus facile aux consommateurs lésés la présentation de demandes en réparation, surtout après qu’ils auront été informés des résultats de la première étape. Quant à elles, les associations de consommateurs agréées qui seront autorisées, sous certaines conditions, à recevoir une rémunération et une prise en charge de leurs dépenses des consommateurs pourront être plus enclines à agir de manière volontaire. Dès lors qu’un professionnel est contacté par une association de consommateurs agrées, il est important qu’il réponde promptement et avec sérieux à ce contact, au besoin avec l’aide de conseils juridiques compétents, afin d’éviter le déclenchement d’une action de groupe. Cependant, il devrait être gardé à l’esprit que le champ d’application de ce nouveau régime est limité à certaines demandes uniquement.

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