A la recherche de la charcuterie française

Les amateurs de charcuterie française se désolent de voir si peu de leurs produits préférés au Japon. Que se passe-t-il ?

Quels sont les barrières spécifiques au Japon ?
Moi, je viens tous les six mois depuis trois ans. Je crois à ce marché.
Les Japonais exigent que l’outil de production de la charcuterie soit entièrement consacré à des produits pour le Japon. Les changements organisationnels et les investissements à réaliser sont parfois démesurés par rapport au débouché escompté. C’est possible pour une petite entreprise, qui estime que le marché japonais est stratégique. C’est le choix que font des charcutiers italiens et espagnols, qui sont en général plus petits que les charcutiers français. Mais les charcutiers français sont d’une taille trop grosse pour faire les efforts d’adaptation que requièrent les seules autorités japonaises. Sur les 290 usines de charcuterie en France, seules 6pourraientexporter au Japon.
Je souhaiterais que le Japon assouplisse ses règles sanitaires. Il a fait un pas dans la bonne direction il y a quelques semaines en se rangeant à la norme internationale en matière de listéria. Je souhaiterais aussi que les services vétérinaires français et japonais développent leurs connaissances de nos produits.

On observe pourtant que beaucoup de marques italiennes ont réussi à pénétrer le marché japonais. Pourquoi les Français n’y parviennent-ils pas ?
Les Italiens ont toujours été de grands exportateurs de charcuterie. La plus vieille appellation d'origine contrôlée hors le secteur des vins est le jambon de Parme. Ils utilisent beaucoup plus et mieux que nous les systèmes de protection européens : ils ont répertorié une trentaine d'indications géographiques protégées, le label d'appellation d'origine de l'Union Européenne, alors que la France n'en a que 13.
Nous avons en France des entreprises moyennes et un marché intérieur important, qui fait vivre le secteur : 99,8% des Français mangent de la charcuterie. Ils en mangent en moyenne 15 kilos par habitant et par an. Aujourd'hui,7% seulement de la production de charcuterie française est exportée.La diplomatie française fait des progrès, cela dit. Les ambassadeurs parlent désormais de nos produits. François Hollande m’avait invité à le suivre pour sa visite officielle en Chine en 2013.

Quelle est l’image du Japon pour l’industrie française de la charcuterie ?
Elle est excellente. Nous savons que le pouvoir d’achat des Japonais est élevé, que l'image de la France est excellente. Il y a beaucoup d’échanges et un respect mutuel entre les métiers de bouche français et japonais  (cuisiniers, sommeliers,...). Il y a plus de 400 sortes de charcuterie en France. Plus que de fromages !

Le grand public japonais montre-t-il de l’intérêt pour vos produits ?
Nous cherchons un creuset pour développer la connaissance de la production française. La Japan Charcuterie Association, créée récemment par des cuisiniers français et japonais, est déjà forte de 170 membres.
À côté de la production japonaise de charcuterie de masse, à l'américaine, on trouve des artisans qui apprécient les charcuteries basque, savoyarde, auvergnate... Ce sont des relais d'opinion pour nous. Nous comptons sur les restaurateurs, les amateurs, les touristes, les médias gastronomiques et les grands magasins pour être nos alliés. Les vins ont été popularisés par les œnologues au Japon. Nous essayons de provoquer le même phénomène pour la charcuterie.
Et n'oubliez pas qu'un Japonais est le seul étranger, en 2013, à avoir décroché le diplôme de l'andouillette 5A !

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