Consommation : la voie du café

Le Japon est un pays de thé... mais aussi un géant du café. L'ouverture du flagship store Nespresso à Omotesando
 est l'occasion de raconter la fabuleuse histoire de cette boisson au Japon.

La boisson des Modernes

Y a-t-il un pays davantage associé au thé que le Japon ? L'Archipel a inventé autour de cette boisson universelle une cérémonie dans laquelle se marient l'austérité et la sophistication. Pour le monde, le Japon, c'est la cérémonie du thé. Dans tous les restaurants japonais de l'Archipel, un verre de thé gratuit vous est servi avec votre commande.

Mais le Japon est aussi un empire du café. Son histoire est fascinante, car elle est le reflet de l'aventure moderne de ce pays depuis l'ère Meiji. Le café connaît son véritable essor à la fin du 19e siècle. En 1888, Tei Ei-kei, un Japonais de Nagasaki (adopté par un Taïwanais, d'où son nom chinois) se convertit au café lors de ses études à l'Université Yale, aux États-Unis. De retour au Japon, il ouvre Kahiichakan, le premier café du pays, près de Ueno, à Tokyo. Pour les Japonais qui n'avaient jusqu'ici connu que les maisons de thé, c'est une triple révolution : ils sont servis par du personnel commun (le thé exige une servante pour soi), sur des tables, assis par terre, dans une salle ouverte, sous le regard de tous les clients (on boit du thé assis sur un tatami, dans un salon, fermé). Le café devient la boisson de la modernité occidentale par excellence.

À la même époque, au début du vingtième siècle, les Japonais partent par milliers travailler à l'autre bout de la terre, dans les immenses plantations de café brésiliennes. C'est l'époque où le Japon se débat dans la misère et où le Brésil semble être une terre d'avenir. Les producteurs brésiliens ont longtemps fait travailler des esclaves africains, puis des immigrés italiens. Mais l'esclavage est désormais interdit, et les Italiens ont compris que la fortune n'était pas là. Les ouvriers japonais viennent remplacer ces derniers. Ainsi les Japonais ont-ils eu une importance capitale aux deux bouts de la chaîne, de la production à la consommation. Car le Japon est devenu rapidement un marché d'exportation pour les caféiers brésiliens. Dans les années 30, l'Archipel compte 30.000 cafés.



Après la guerre, un café

Après la pause des années de guerre, le café redevient très prisé des Japonais. Les cafés deviennent une sorte de « lieu-tiers » hors de la société, pour reprendre la belle expression de Merry White, une anthropologue qui a écrit Coffee life in Japan : une escale entre le monde professionnel et le monde familial. Aujourd'hui, selon l'Organisation International du Café (OIC), le Japon est le troisième importateur au monde de café. Entre 1990 et 2011, les importations de café sont passées de 5,3 à 7 millions de sacs de 60 kilos de grains, selon l'OIC.

Le café vit aujourd'hui une nouvelle révolution au Japon. Depuis l'arrivée de Starbucks en 1996, le café s'est débarrassé de son image de boisson pour homme, fumeur et rétrograde. Il est devenu féminin, non fumeur et moderne. Starbucks vend deux fois plus de café par établissement au Japon qu'aux États-Unis.

Mais avec le succès de Nespresso, numéro un mondial du café en portion, cette boisson devient encore plus sophistiquée. Elle se rapproche du vin. Cette tendance vers toujours plus de sophistication correspond parfaitement à la mentalité des consommateurs japonais. C'est au Japon que Nespresso avait ouvert, il y a quelques années, son premier laboratoire consacré au café. La marque a ouvert au printemps une magnifique boutique en haut de l'avenue Omote-Sando. Au rez-de-chaussée, elle décline toute sa gamme de produits, tandis que les puristes peuvent approfondir leur dégustation grâce à un espace prévu à cet effet au deuxième étage. « Nous utilisons le 1% supérieur de la production de café mondial. Nous décernons un label Triple A aux producteurs qui le méritent. Il y a des degrés, des millésimes entre cafés », explique Loïc Réthoré, qui préside aux destinées de Nespresso au Japon. Avec des groupes comme le sien, le café se démocratise aussi : il quitte les établissements de restauration et se répand dans les entreprises et dans les foyers. Les Japonais sont au rendez-vous : 2000 visiteurs se sont pressés dans cette élégante boutique le premier week-end de son ouverture. « On observe aujourd'hui le même phénomène en Chine : le café, symbole occidental, prend la place du thé », explique un spécialiste du secteur. Le Japon a une fois encore montré la voie.

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