Consommation : toujours en baisse
Les Abenomics ont accéléré la perte de pouvoir d’achat des Japonais baisse
Les Abenomics reposaient sur un scénario simple : déclencher dans le grand public des anticipations d’inflation, puis une authentique inflation des prix et enfin des salaires. Le Premier ministre pensait que lorsque les prix augmenteraient, les Japonais se hâteraient de consommer, créant une hausse des ventes des entreprises permettant une hausse des rémunérations. Ce qui aurait enfin mis un terme à trente ans de déflation. Cette théorie était discutable dès le départ. Elle avait suscité la perplexité de tous les économistes ne faisant pas partie du cercle des conseillers du gouvernement. Elle apparaît chaque mois un peu plus erronée.
Hormis le trimestre précédant la hausse de la TVA, la consommation au Japon ne s'est jamais relevée depuis l'arrivée de Shinzo Abe au pouvoir. Elle est, selon les propres chiffres du gouvernement, au même niveau que lorsqu'il est devenu Premier ministre en décembre 2012. Hormis la catégorie des transports et télécommunications, tous les postes de dépenses reculent depuis trois ans.
Pris en tenaille
Shinzo Abe n’est pas le seul responsable. Le pouvoir d’achat des Japonais, encore très élevé, recule depuis au moins dix ans au Japon. Depuis 2005 les salaires ont baissé de 4%, tandis que le prix de l’alimentation a grimpé de 11%, et que le prix des charges (électricité, eau et gaz) a littéralement explosé : +22% ! Craignant un avenir morose, les Japonais « sont en train de reconstituer leur épargne » estime Hiromichi Shirakawa, l’économiste de Crédit Suisse, dans une étude sur le sujet. Les charges augmentent principalement en raison de l'affaiblissement du yen, qui renchérit le coût en dollars des importations de matières premières. Restaurants et supermarchés, qui opèrent avec une rentabilité inférieure à 1%, ont longtemps comprimé leurs prix ; ils recommencent à les augmenter depuis 2013. Pour lutter contre l'exode des consommateurs, ils adaptent leur offre à la clientèle japonaise, vieillissante et de plus en plus adepte de la livraison à domicile, et proposent des mets plus petits mais plus sophistiqués donc plus chers, observe Hiromichi Shirakawa.
Le coût de la (sur)vie
Mais le Premier ministre porte une lourde responsabilité dans cette tendance. La moitié de la hausse stratosphérique du coût de la (sur)vie en dix ans a eu lieu durant les deux premières années d’administration Abe. Elle a été accélérée par sa décision d’augmenter la TVA de 5 à 8% et par sa politique d’affaiblissement du yen. « La vitesse de la chute du pouvoir d’achat des ménages a été trois fois plus rapide pendant les « Abenomics » que pendant les sept années précédentes pour l’alimentation, et deux fois plus rapide pour les charges », résume Hiromichi Shirakawa.
Les ménages japonais dans un tel contexte n’ont pas le cœur, ni même les moyens, de consommer. Les ménages les plus modestes, qui consacrent un tiers de leurs dépenses à l’alimentation et aux charges, sont les premiers à se freiner. Les jeunes, qui n’ont souvent pas d’enfants, paraissent néanmoins résister à la morosité et maintiennent leurs dépenses. Pour combien de temps ?