Édito
Y-a-t-il, comme dirait Marcellus dans Hamlet, quelque chose de pourri dans l’Empire de l’industrie japonaise ? Kobe Steel, Toshiba, Nissan, Subaru, Takata, Mitsubishi Motors... résonnent comme autant d’affaires de vices cachés ou de maquillage des comptes qui jettent une lumière crue sur les fleurons de l’industrie manufacturière nippone. Le même scénario se répète inlassablement : lors d’une conférence, les dirigeants d’une grande entreprise révèlent avoir découvert des pratiques frauduleuses. Au début circonscrites à quelques cas, celles-ci se révèlent au fil des jours beaucoup plus étendues qu’annoncé, au point de mettre en péril l’entreprise toute entière. Génuflexions. Pleurs. Nomination d’un comité d’experts. Chute du titre en Bourse. Rapport. Jusqu’au prochain épisode.
Ces affaires sont dévastatrices pour l’image d’un pays qui a fondé sa croissance industrielle sur la recherche permanente de la perfection et le "zéro défaut". Le Japon a bâti sa réputation en fabriquant les produits les plus fiables du monde. Une crédibilité maximum, capitale pour les industries dans lesquelles l’usager confie sa vie à des machines, comme par exemple le nucléaire, l’aéronautique, l’automobile ou l’industrie spatiale. La boutade selon laquelle "personne n’est inquiet lorsqu’il monte dans un ascenseur japonais, mais tout le monde a une certaine appréhension quand il monte dans un ascenseur chinois" demeure populaire.
Un avocat d’affaires familier des entreprises japonaises, européennes et américaines, offre son analyse : "Les entreprises japonaises tiennent des comptes plus fiables que ceux de leurs concurrentes étrangères. Elles ont leur lot de scandales, mais elles les réglaient toujours en interne. Aujourd’hui, à la faveur de la mondialisation, des autorités étrangères, comme le département américain de la Justice, s’invitent dans ces affaires. Les scandales ont par conséquent lieu aussi hors du Japon. Le temps des coteries est terminé".
Ces cas n’ont jamais pour but l’enrichissement personnel. "Les dirigeants japonais ne sont pas aiguillonnés par la recherche du bénéfice ; au contraire, ils ont toujours accordé beaucoup trop peu d’attention au bénéfice", observe Morgan Stanley dans une récente étude sur le sujet. Surtout, ces problèmes sont révélés tardivement, longtemps après les faits, lorsqu’ils sont connus d’un grand nombre de personnes. "Les problèmes viennent de déficiences dans les organes de contrôle des responsables et des comités de direction", poursuit Morgan Stanley. Espérons que par ses efforts de gouvernance, l’industrie japonaise recouvrera sa réputation d’excellence.