Edito : L'allié du libre-échange

L'allié du libre-échange

C’est un retournement historique trop rarement souligné : le Japon est devenu en quelques années le défenseur du libre-échange parmi les pays de l’OCDE.
Pendant trente ans l’Amérique s’est plainte de la fermeture du marché japonais. Elle poussait depuis des années pour la conclusion de l’accord TPP avec les pays ouverts sur l’Océan Pacifique. Or un des rares points d’accord entre les deux candidats à la présidence américaine était leur opposition audit accord, et leur méfiance envers le libre-échange. Shinzo Abe pour sa part a jeté son capital politique, contre ses principaux soutiens dans sa majorité, dans la bataille pour l’adoption du TPP dès son arrivée au pouvoir en 2012. Comble du sort : le vote de ratification de l’accord TPP par la Diète japonaise a eu lieu au moment même de l’élection de Donald Trump, virulent critique du Japon, du libre-échange en général et de l’accord TPP en particulier.
En Europe également, les adversaires du libre-échange progressent chaque jour davantage. Les accords commerciaux négociés avec le Canada ou les États-Unis semblent se faire par-dessus la tête des opinions publiques européennes. Or sur le front européen aussi Shinzo Abe pousse pour un accord d’ici la fin de l’année ou le début de l’année prochaine avec l’Union Européenne. Certes ses ministères sont nettement moins volontaristes que lui ; certes, l’accord que souhaite le Japon est a minima par rapport aux ambitions européennes ; certes, l’accord TPP était une précondition à l’accord avec l’Union Européenne. Mais la position de Shinzo Abe est, au moins officiellement, celle d’une ouverture du pays. Il rejoint en cela son opinion publique : selon un récent sondage de l’institut PEW 58% des Japonais pensent que le commerce international est bon pour leur pays, contre 44% d’Américains et 56% d’Européens.
Ce n’est pas le seul sujet pour lequel le Japon se retrouve à front renversé de ses partenaires de l’OCDE. En public le gouvernement se refuse à parler de politique d’immigration. En privé les hauts fonctionnaires japonais parlent d’accueillir des millions d’étrangers par an pour redynamiser leur pays. Déjà des millions de Japonais interagissent avec une nouvelle main-d’œuvre immigrée au travail dans les convenience stores, les restaurants et demain à l’hôpital. Il y a aujourd’hui sept offres d’emplois d’infirmière pour une demande. Les Japonais accepteront-ils encore longtemps de souffrir plutôt que d’être soignés par des infirmières étrangères ?

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