Edito : Le point
France et Japon se sont-ils rapprochés depuis le lancement de leur « partenariat » ?
Indiscutablement, la France et le Japon se sont rapprochés depuis 2012. Les visites de responsables politiques français de très haut niveau se sont multipliées en trois ans. Il y a eu un changement de climat entre nos deux pays. Universités et centres de recherches multiplient les contacts. Et la France et le Japon coopèrent beaucoup en Afrique, notamment autour du concept de villes durables. Pour le Japon, il s’agit de ne pas être lié exclusivement avec son partenaire américain et de trouver un ancrage en Europe.
Les échanges commerciaux en revanche n’ont pas progressé comme je le souhaiterais, même si - et je m’en réjouis - le déficit commercial de la France envers le Japon a diminué.
Après la réussite de l'Alliance Renault-Nissan, on compte peu de partenariats industriels franco-japonais réussis. Pourquoi ?
Cela n’est pas propre au Japon. Je ne connais pas beaucoup d’objet industriel comme l’Alliance Renault-Nissan. Ce fut une affaire très particulière, qui n’était pas fondée sur une logique de pouvoir, contrairement à la plupart des acquisitions.
Les négociations commerciales Japon-Europe pour un accord d'intégration économique n'avancent plus. Êtes-vous encore optimiste ?
Les négociations Europe-Japon sont au point mort car la pression pour un accord est retombée de part et d’autre. L’Europe est prudente car la requête par le Japon d’abaisser ses barrières tarifaires a un effet immédiat, tandis que le Japon doit abaisser des barrières non tarifaires, à l’effet reporté. Côté Japon, l’attention demeure mobilisée sur la négociation TPP avec les États-Unis, qui fixera un cadre au pays pour ce type d'accords. J'ai cependant la conviction que nous parviendrons à un accord.
Les entreprises françaises doivent-elles imiter les entreprises japonaises ?
L’effort des entreprises japonaises de R&D est beaucoup plus impressionnant que celui des françaises, même si les Japonais sont moins bons dans l’innovation « de rupture ». Les directions des entreprises japonaises ont beaucoup plus d’autonomie que celles des françaises vis-à-vis de leur actionnariat, ce qui est bénéfique à une vision de long terme mais peut entraîner une certaine apathie. Il faut trouver un juste milieu. En revanche, les entreprises japonaises ont vingt à trente ans de retard sur les entreprises françaises quand on parle du statut des femmes au travail.
Le Japon devient-il populaire auprès des patrons français ?
Pas encore. Les chefs d’entreprises français ne sont pas convaincus du potentiel d’attractivité du Japon. Ils le perçoivent comme un marché difficile, qui n’est plus en croissance.
Avez-vous des inquiétudes concernant le Japon ?
Une de mes grandes frustrations est la jeunesse. À ma connaissance, le Japon est le seul pays dont le nombre d’étudiants partant à l’étranger diminue. C’est une vraie faiblesse, qui renforce le caractère insulaire du Japon, notamment face à un pays comparable comme la Corée du Sud.
LOUIS SCHWEITZER est commissaire général à l’investissement et représentant spécial pour le partenariat franco-japonais du ministre des Affaires Etrangères.