Eloge de la patience

Éloge de la patience

Le Brexit et les doutes sur la ratification du TPP redonnent une chance aux négociations Japon-Europe.

Accord de principe
“Nous chercherons un accord de principe sur le traité commercial entre l’Union Européenne et le Japon d’ici la fin de l’année” : dans cette citation de Shinzo Abe tirée de son discours de politique générale à la Diète début septembre, c’est l’expression “de principe” qui est la plus importante. Après 17 rounds de négociations entre Tokyo et Bruxelles pour un accord d’intégration économique (AIE) entre la première et la troisième zone économique mondiale, la partie japonaise fait preuve d’un optimisme à toute épreuve. Mais côté européen, on grince des dents : “la bonne volonté est de part et d’autre, et nous sommes parvenus à des accords sur les parties les moins sensibles des dossiers”, raconte un fonctionnaire qui participe aux négociations. D’autres diplomates plus expérimentés sont catégoriques : “Il n’y a absolument aucune chance d’aboutir à un accord d’ici 2017” se lamente l’un d’entre eux. “Chaque année Shinzo Abe nous fait le coup de l’ultimatum de la fin de l’année. Mais son administration ne montre aucun effort pour résoudre les questions les plus importantes. Le décalage entre ce qu’il dit et les discussions est sidérant. Je pense que cet accord ne sera jamais signé”, tranche-t-il. Parmi les points de contentieux souffrant de barrières tarifaires les Japonais semblent avoir mis sur la table les tomates, les pâtes, le fromage,... Autant de produits qui ne semblent pas présenter un intérêt vital pour l’Archipel. Un troisième diplomate, visiblement exaspéré : “Maintenant les Japonais nous expliquent que le chocolat est pour eux un enjeu national. On aura tout entendu.”
Un léger vent d’optimisme souffle pourtant des deux côtés. Les deux parties atteindront bien un “accord de principe” selon l’expression du Premier ministre japonais, à charge pour celles-ci de poursuivre les discussions sur les points les plus délicats.

Esprit de conciliation
La partie japonaise est d’autant plus conciliante que deux événements internationaux externes ont changé le cadre de la négociation sur l’AIE. D’abord, le TPP. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le nouveau président américain est encore contre l’accord TPP. Une négociation dans laquelle Shinzo Abe a pesé de tout son poids, et qui constituait le principal sujet de la session parlementaire de l’automne. Si l’accord devenait lettre morte, la négociation avec l’Europe pourrait se poursuivre sans entraves par rapport au TPP. L’accord AIE pourrait même inciter les Américains à revenir à la table des négociations. En décembre dernier, le ministre du commerce de l’époque Akira Amari avertissait à mots couverts les Européens de l’importance d’un accord pour eux : “Huit ans après la conclusion de l’accord TPP les droits de douane sur les vins californiens, chiliens, australiens et néo-zélandais seront éliminés, et ceux sur les fromages néo-zélandais, australiens et américains diminueront fortement. J’espère sincèrement que l’Union Européenne ne sera pas à la traîne”. L’actuel ministre du commerce japonais pourrait, si le TPP n’était pas signé, retourner ces arguments vers le Congrès américain.
Un autre argument de poids en faveur de la conclusion des négociations est la perspective d’un “Brexit dur” dans les prochaines années. La Grande-Bretagne est souvent qualifiée de porte-avion américain en Europe, mais elle est aussi, surtout dans l’automobile, la plateforme de lancement historique des exportations japonaises vers le Vieux continent. Elle a attiré un tiers des investissements japonais en Europe. Sa sortie de l’Union Européenne oblige les multinationales japonaises à un douloureux mais rapide “pivot” vers l’Europe continentale. Et donc à un accord commercial avec la zone de ses 28 États-Membres.
L’enjeu est de taille : selon les calculs de la Commission Européenne les exportations des deux zones progresseront d’environ un tiers grâce à un bon accord. Dans l’agroalimentaire en particulier, le gain pour les Européens de la filière sera de 300% selon la Commission.

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