Henri Lachmann, toujours branché
Le mythique patriarche de Schneider Electric se sent au Japon comme un poisson dans l’eau. Rencontre.
Comment résumer un géant comme Schneider Electric ?
Franchement je ne vois pas de groupe français plus mondial que nous. Truly global, comme disent les Américains ! Nous sommes dans 130 pays avec environ 400 usines. Et 70% des dirigeants de nos filiales à l’étranger sont des nationaux de leur filiale : un président turc en Turquie, une Anglaise en Grande-Bretagne... Nous sommes leaders dans nos domaines, en bonne santé financière et présents sur les nouvelles technologies. Notre secret : nos implantations industrielles sont toujours légères. Nous concevons, nous faisons fabriquer mais nous sommes essentiellement des assembleurs.
Comment vous êtes-vous développés au Japon ?
Ma première visite a été à l’occasion du premier vol Air France qui passait par la Russie. 1982 ! Nous nous sommes développés par les partenariats, les sociétés communes et par croissance organique. Dans le domaine des onduleurs, nous sommes partis de zéro et sommes devenus leaders. Dans le domaine des variateurs de vitesse, nous avons fait une société commune avec Toshiba. Dans le domaine du dialogue hommes-machine, nous avons fait une acquisition.
Pourquoi être au Japon aujourd’hui ?
D’abord, parce que c’est une grande puissance économique et un énorme marché. Ensuite, parce qu’il influence le reste du monde et parce qu'il reste aussi une grande puissance technologique. Enfin, parce qu’il est le berceau de beaucoup de nos concurrents. Et mieux vaut voir ces derniers de près que de loin...
Comment caractériser les relations de travail au Japon ?
Les gens prennent leur temps, mais ils font ce qu’ils disent.
Dans vos interviews vous n’êtes pas tendre avec la France et le désamour des hommes politiques pour l’entreprise...
On n’aime pas les entreprises en France. Les Français sont les victimes de l’analphabétisme micro-économique de leurs dirigeants. François Hollande a commencé au Parti Socialiste pour terminer président. Et il règne une grande confusion sémantique entre quatre termes : sécurité, rigidité, précarité et flexibilité. La sécurité n’est pas la rigidité, et la flexibilité n’est pas la précarité... Le tout dans un dialogue social archaïque.
Le Japon s’apprête à déréglementer son marché de l’électricité. Quels changements en attendre ?
La révolution que vit actuellement le marché de l’électricité au Japon (mais aussi le monde entier) vient de la technologie davantage que des changements de réglementation. Les nouvelles technologies, en particulier celles liées aux énergies renouvelables, entraînent une décentralisation de la distribution de l’électricité. Elles nécessitent une meilleure gestion des flux d’électricité et de son stockage. Au niveau de l’usager, elles rendent la consommation plus personnelle. Le pays le plus en avance sur ces sujets aujourd’hui est peut-être l’Allemagne, en particulier dans le photovoltaïque.
Les progrès sont vraiment impressionnants dans le photovoltaïque. Les rendements augmentent très vite. Certes, il y a toujours le problème de l’intermittence, mais les technologies de stockage avancent enfin. Rendez-vous compte que l'exploitation d’un panneau solaire ne coûte presque rien une fois qu’il est posé et collé.
Comment expliquer la permanence des acteurs historiques de l’électricité ?
Si on analyse froidement leur position, elle est de vendre le plus d’électricité possible au prix le plus élevé possible. Ils sont les ennemis de l’efficacité...
Pour vous quel serait le plus beau succès de la COP21 ?
Que l’humanité prenne enfin conscience de la réalité du réchauffement climatique et de la nécessité de réduire les émissions de CO2. Pour un groupe comme nous cette nouvelle problématique est une opportunité. Nous aidons nos clients à consommer mieux, moins et moins cher. Nous ne faisons pas des panneaux solaires, mais faisons tout ce qui est « autour » du panneau (onduleurs, disjoncteurs, etc.). Nous considérons que c’est très important pour 1,3 milliard de personnes qui n’ont pas encore accès à l’électricité. Car nous allons améliorer la distribution et la consommation de courant pour eux.