Immobilier : les étrangers entrent, les Japonais sortent

Environnement favorable

Signe des temps qui changent ? Le MIPIM, premier salon immobilier professionnel au monde, a délaissé son port d’attache, Cannes, le temps d’une semaine pour investir Tokyo sur un ton euphorique. « Les loyers commerciaux n’ont pas cessé d’augmenter depuis 2012 et nous estimons qu’ils peuvent grimper de 30% dans les cinq prochaines années » annonçait triomphalement le « Dr » Megan Walters, directeur de la recherche chez le conseil en immobilier Jones Lang La Salle au sortir du forum de Tokyo. « ils ont eu beaucoup moins d’investisseurs étrangers qu’anticipé. Pas sûr qu’ils en refassent un l’année prochaine », confiait un organisateur.
L’embellie est réelle. Exemple : en août 2014, Mori Trust dépensait 130 milliards de yens pour racheter au fonds Lone Star le complexe immobilier Meguro Gajoen à Tokyo. À peine six mois plus tard, le groupe japonais a revendu cet ensemble, qui comprend des bureaux, un hôtel ou encore des commerces, pour 143 milliards de yens au fonds chinois CIC. Les 13 milliards de yens empochés par Mori Trust n’ont pas refroidi les investisseurs chinois. Ils cherchaient depuis des mois une opportunité pour entrer en force sur le marché japonais de l’immobilier.
« L’environnement est très favorable avec des taux d’intérêts très bas et un yen faible », explique Ken Chan, directeur à Tokyo des activités immobilières du fonds souverain singapourien GIC.
En 2014, les transactions sur l’investissement immobilier – qui regroupe toutes les opérations de plus d’1 milliard de yens - ont progressé, en glissement annuel, de 3,5% pour atteindre 4.700 milliards de yens, par rapport à une année 2013 qui avait déjà vu un nombre record d’opérations. Revenant en masse sur ce marché, les acteurs étrangers ont, selon les projections de CBRE, doublé leurs acquisitions pour un volume total dépassant les 1.000 milliards de yens. Soit un montant qui n’avait plus été atteint depuis l’année 2007.

Des investisseurs convaincus
La performance de 2014 a été portée par quelques transactions spectaculaires, essentiellement concentrées sur des bâtiments d’affaires du centre de Tokyo. En octobre, GIC avait notamment racheté pour 1,7 milliard de dollars à un fonds de PAG Real Estate le Pacific Century Place Marunouchi, qui abrite le Four Seasons de la gare de Tokyo. Moins présent jusqu’alors sur le marché japonais, l’assureur français Axa Real Estate a acheté le large immeuble de bureaux Nakano Central Park East, à l’ouest du quartier de Shinjuku, pour un montant estimé à 37 milliards de yens. « Pendant longtemps, ce fut difficile de convaincre les responsables de venir investir au Japon. Actuellement, c’est beaucoup plus facile. Les acteurs réalisent que c’est toujours le troisième marché mondial », explique Frank Khoo, le dirigeant d’Axa Real Estate en Asie, qui reconnaît que son propre groupe avait sous-estimé le marché nippon.
Si tous les fonds qui avaient boudé l’Archipel pendant les années de déflation et de yen fort sont tentés de sécuriser des actifs dans le pays pour rééquilibrer leurs portefeuilles d’investissements, ils reconnaissent que le marché nippon reste à part. « Le marché local n’est pas encore aussi transparent que dans d’autres grandes villes d’Asie », souligne Ken Chan du GIC. « Les pratiques se sont institutionnalisées mais il faut encore investir ici dans le temps long. Il faut du temps pour comprendre les tendances et gagner la confiance des acteurs. À Tokyo, il existe aussi des écarts considérables entre deux rues voisines. Il faut arpenter le marché pour le comprendre », rappelle Jon Paul Toppino de PAG Real Estate.

Premium
Les investisseurs devraient se concentrer sur les immeubles de bureaux de catégorie premium à Tokyo, Osaka ou Nagoya, où ils espèrent encore pouvoir faire passer de légères hausses des loyers qui permettraient de stabiliser les taux de capitalisation (cap rate) de leurs investissements sur ce segment. En mars dernier, le taux de vacance dans les bureaux de Grade A de la capitale nippone était retombé pour la première fois depuis 2009 sous la barre des 4%, avec un taux moyen de 3,9%.
Mais comme les grandes transactions restent rares sur ce segment très prisé, les investisseurs se tournent de plus en plus vers de nouvelles catégories d’actifs. « Nous regardons par exemple vers les hôtels à Okinawa ou Kyoto. Il y a aussi beaucoup de valeurs potentielles à créer dans certaines stations de ski », indique Ken Chan. Frank Khoo, d’Axa, pointe, lui, le marché porteur des hôpitaux ou des maisons de retraite ainsi que les data centers et les grands centres de logistique créés pour suivre l’explosion du commerce en ligne. « Tant que les taux resteront bas, on devrait assister à une croissance raisonnable du marché immobilier. Il n’y a pas de risque majeur en vue sur les deux ou trois prochaines années », veut croire Toru Bando, le président de Morgan Stanley Capital au Japon.

Cap sur l'étranger
Les investisseurs japonais sont de sortie. Ils reviennent en force sur leurs marchés traditionnels (Londres, New York...) et se risquent désormais à Paris. Shinji Kawano, chargé des investissements mondiaux pour l'assureur Tokio Marine, explique : « Pendant les années 80 et le début des années 90 les Japonais ont perdu énormément d'argent à l'étranger. C'était principalement en raison des variations de change du yen, pas à cause des prix des terrains eux -mêmes. Ils ont beaucoup appris de cette époque. Aujourd'hui, ils prennent beaucoup mieux en compte le risque de change. Ils investissent aussi de manière beaucoup plus progressive, alors que pendant la Bulle, ils plaçaient souvent leur argent d'un coup. Enfin, ils sont toujours à la recherche du meilleur partenaire local possible. Mitsui Fudosan par exemple a acheté un terrain à la BBC et travaillera avec un développeur britannique.

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