Industrie

Industrie 4.0 au Japon

Introduction

Les Jeux Olympiques de Tokyo en 2020 représentent aujourd’hui pour l’ensemble des acteurs économiques au Japon le principal horizon pour le développement et la diffusion des innovations qui constitueront la vitrine technologique et l’avenir industriel du pays. Tant pour le gouvernement que pour les grandes entreprises, l'entrée dans l’ère de “l’industrie 4.0” compte comme principale stratégie de croissance pour les décennies à venir.

L’Industrie 4.0 regroupe tous les secteurs contribuant à l’amélioration de l’organisation des moyens de production, en particulier à travers l’intégration du monde virtuel de l’information avec le monde réel et concret des équipements ciblés.

La synchronisation et l’automatisation des processus industriels avec les technologies de l’information est aujourd’hui perçue comme le levier d’une quatrième révolution industrielle.

L’industrie 4.0 comprend un large éventail de technologies telles que la robotique, le Big Data, les technologies de visualisation, l'informatique en nuage, et l'intelligence artificielle. Le Japon mise aujourd’hui en particulier sur le développement des technologies de l’information et de la communication, se basant sur les trois piliers que sont l’Internet des objets (IoT), le Big Data, et l’intelligence artificielle (IA) pour constituer sa « 4e révolution industrielle ».

L’Internet of Things (IoT) correspond à l’extension des innovations digitales et d’Internet aux innovations physiques avec des applications de consommateurs. L’IoT est ainsi l’exploitation du potentiel de création de valeur des technologies comme l’intelligence artificielle sur des applications ciblées. Cela inclut les objets portables connectés (wearable devices) et les composants des nouvelles maisons intelligentes, mais présente un intérêt majeur pour ses applications industrielles (40% du chiffre d’affaires du secteur de l’IoT au Japon en 2014). La transmission des données des consommateurs aux équipements industriel permet ainsi un ajustement dynamique des chaînes de production en matière de quantité et d'assortiment (numérisation des usines). Cette optimisation de la production pourrait faciliter la relocalisation des capacités de production de diverses industries.

La robotique figure également parmi les domaines en expansion à forte application IoT, notamment dans le secteur des voitures connectées.

L’IoT constituait un marché mondial de ¥9400 Mds en 2014, et Microsoft prévoit qu’il atteindra $200 Mds (€180 Mds) en 2018. Les revenus associés à ce marché connaitront une croissance annuelle estimée à 11% entre 2013 et 2020.

La diffusion de l’IoT devrait connaître un impact d’autant plus grand au Japon, dont les secteurs de prédilection sont l’industrie manufacturière (30,4 Mds de capteurs déployés d’ici 2020 contre 15 Mds aujourd’hui), l’électronique grand public (6,8 M d’objets connectés d’ici 2020), l’automobile, et les télécommunications.

Le marché japonais

En matière des composants électroniques les acteurs japonais ont un avantage comparatif de taille : 60 % de la production mondiale du silicium nécessaire à leur fabrication se trouve sur le territoire japonais. Les entreprises japonaises détiennent ainsi de fortes parts de marché dans le domaine des capteurs d’image CMOS : Sony détient 42 % des parts du marché mondial, et Canon 5 %. Le Japon se situe également en tête en matière d’infrastructures, de réseaux de télécommunication et d’internet très haut débit ; 40% des entreprises japonaises estiment toutefois que les infrastructures réseaux sont insuffisantes pour soutenir le développement de l’IoT, traduisant l’existence d’une demande en la matière.

Sur les segments des services et logiciels informatiques pour l’IoT (dont la cybersécurité), de la virtualisation des réseaux et du traitement des données, l’offre japonaise apparaît plus réduite : cinq des six principaux fournisseurs de services cloud et big data au Japon sont américains, le seul groupe japonais étant Fujitsu.

Le Big Data est un autre pan de l’Industrie 4.0 connaissant une forte expansion au Japon. Fujitsu a par exemple débuté un plan d’investissement de ¥52,4 Mds en 2015 pour augmenter de 50% ses capacités de stockage et de traitement de données domestiques en prévision des JO en 2020 durant lesquels l’entreprise fournira les data centers pour le stockage des données et applications nécessaires durant l’événement. Le gouvernement japonais encourage également les entreprises domestiques à partager leurs données dans une démarche de soutien au développement de nouvelles applications. À cet effet le METI a créé le Strategic Council for Creating Data-Driven Innovation en 2014.

L'opérateur telecom SoftBank figure également parmi les géants japonais. En faisant l’acquisition en 2016 du l’entreprise britannique ARM pour la somme record de $32Mds, le groupe de téléphonie mobile a démontré sa capacité à réaliser des investissements massifs sur des technologies présentant un fort potentiel de développement. SoftBank a su diversifier son activité à travers ses nombreuses acquisitions dans le domaine de l’e-commerce, de l’énergie, et de la robotique ; celui lui permet désormais de proposer une offre industrielle susceptible de concurrencer son rival américain Intel. Avec le rachat massif d'opérateurs secondaires, comme celui de Vodafone Japan (2006), Willcom (2011), et de l’opérateur mobile américain Sprint Nextel (2013) SoftBank est le groupe enregistrant le 3e chiffre d’affaires le plus élevé au monde dans l’industrie des télécoms. La robotique fait également partie de la stratégie de diversification de Softbank. Suite à l’acquisition de l’entreprise française de robotique Aldebaran en 2012 ainsi que la création d’une filiale SoftBank Robotics en 2013 le groupe a lancé la commercialisation du robot Pepper. Grâce à la joint-venture formée avec le Chinois Alibaba et le Taïwanais Foxconn celui-ci est commercialisé à l'échelle mondiale. Softbank mise également sur la création de partenariats, comme celui conclu avec Honda en Juillet 2016 avec qui le groupe développe une technologie d’intelligence artificielle de véhicule autonome, capable de faire interagir le conducteur et la voiture pour formuler des suggestions à partir de données stockées sur un système cloud.  

L’obligation de restructuration pour les groupes japonais

Les grands groupes japonais sur le marché de l’IoT connaissent une forte concurrence de la part des fabricants coréens, chinois, et taïwanais, et doivent par conséquent se restructurer en profondeur pour préserver leur compétitivité. Les groupes Toshiba et Sharp particulièrement affectés par la concurrence sont ainsi contraints de passer par la filialisation, la cession d’activités, ou l’intégration au sein d’alliances formées avec leurs concurrents historiques.

Néanmoins, malgré le retard des fabricants japonais sur leurs concurrents américain et allemands, ceux-ci restent convaincues que les technologies industrielles connectées leurs permettraient de gagner en compétitivité. Cette détermination à investir dans l’industrie 4.0 afin de rattraper les marchés étrangers présente ainsi de bonnes opportunités pour les entreprises françaises souhaitant s’installer au Japon de nouer des partenariats.

L’Industrie 4.0 : une priorité gouvernementale

Dans cet perspective, le gouvernement japonais en a fait le socle de son “5ème plan-cadre pour la science et de la technologie”, prévoyant la mise en place d’une « société 5.0 », société super-intelligente, fer-de-lance à l’échelle mondiale. En 2016 le gouvernement japonais a donc lancé un programme d’investissement massif de ¥27 Mds dans la création de centres de recherche dédiés à ce sujet, témoignant d’une forte détermination à faire croître ce secteur. D’ambitieux objectifs ont été fixés par le gouvernement, tels que la mise en place de 50 « usines intelligentes » à l’horizon 2020. Ces ambitions sont activement soutenues à la fois par la stimulation de l’investissement et le développement des collaborations public-privé, comme en témoignent les partenariats entre les nouveaux centres de recherche et les grands groupes japonais. 

L’objectif du gouvernement est d’investir ¥100 Mds d’ici 2025 pour soutenir la recherche et la mise sur le marché des technologies de robotisation dans différents domaines : la robotique industrielle ; la médecine et les soins aux personnes âgées ; l’agroalimentaire ; les infrastructures et la prévention des catastrophes naturelles.

Parmi les outils développés pour soutenir l’émergence d’une industrie du futur compétitive, le gouvernement japonais a développé un vaste programme de subventions et d’incitations fiscales. Ces projets visent à soutenir le développement des technologies de pointe telles que la robotique, le traitement des big data, les véhicules autonomes.

Les quatre marchés identifiés par le ‘Cabinet office’ pour ces projets sont : santé et la silver economy, l’énergie, les infrastructures de nouvelle génération et le tourisme et l’attractivité des régions (en développement les industries à l’échelle locale).

Un environnement législatif propice aux affaires

La loi pour le renforcement de la compétitivité industrielle (20 janvier 2014) a introduit diverses incitations fiscales favorisant l'acquisition d’équipements de pointe par les entreprises et les investissements destinés à moderniser la chaîne de production (120 000 aides accordées en 2014). Cette même loi a également introduit deux dispositifs de simplification réglementaire pour les entreprises souhaitant développer un nouveau produit. De nombreuses demandes ont été accordée (majoritairement à des PME) depuis le lancement de la mesure au printemps 2014. Ce dispositif se distingue par la simplicité de son fonctionnement.

La coopération public-privé au cœur de l’innovation

Le gouvernement japonais déploie de nombreuses initiatives pour assurer le développement de l’IoT dans l’ensemble des industries pouvant en tirer des avantages. Deux initiatives publiques-privées ont été créées en 2015 pour soutenir ce projet :

- La Robot Revolution Initiative: réunit les représentants de la recherche et de l’industrie de plusieurs secteurs (automobile, agriculture, santé, infrastructure) qui ont défini une stratégie robotique visant à répondre aux défis économiques et sociétaux du Japon à travers l’IoT. Cette initiative s’organise autour de groupes de travail, dont l’un portant sur « la révolution de l’industrie manufacturière par l’IoT ». La RRI est soutenue par plus de 200 entreprises et 90 organisations (don Toyota, Nissan, Komatsu, Daussault Systemes, Intel et IBM).

- Le forum public-privé IoT Acceleration Consortium:  développe la normalisation et l’applications de l’IoT. Né sous l’impulsion du METI et du MIC, il regroupe plus de 3000 membres gouvernementaux issus du secteur privé et de la recherche, issus de nombreux pays. Son but est de favoriser la collaboration entre les représentants des mondes académiques, industriels et gouvernementaux sur les problématiques IoT que sont la standardisation des technologies, leur régulation, ainsi que les questions de sécurité de l’Iot, du Big Data et de l’IA. La start-up française Sigfox participe aux réunions de ce consortium.

La coopération franco-japonaise

En janvier 2017 une délégation du Ministère de l’économie et des finances s’est rendue au Japon à l’occasion de la 30ème réunion du Comité de Coopération industrielle franco-japonais.

L’objectif principal de cette visite était le lancement de la nouvelle coopération franco-japonaise sur l’Industrie du Futur et l’IoT.

La DGE et le METI se sont engagés dans une coopération à travers les trois groupes de travail sectoriels existants : textiles techniques, smart grid/smart city, Industrie du Futur / IoT.

Une nouvelle coopération a été mise en place dans le domaine de l’Industrie du Futur et de l’IoT, visant à faciliter l’intégration technologique franco-japonaise, notamment en soutenant les initiatives de partenariats. La feuille de route qui a été signée installe une coopération entre les ministères et prévoit le lancement d’un appel à projets co-financé par Bpifrance et l’agence de financement du METI, la NEDO, pour la promotion des échanges de start-up des deux pays (comme l’IoT Acceleration Consortium et l’IoT Valley de Toulouse), et de la coopération sur la normalisation (comme entre l’Alliance pour l’industrie du Futur et la Robot Revolution Initiative japonaise).

Dans le domaine des Smart Cities la DGE et le METI ont aussi confirmé leur engagement dans les projets Lyon Confluence et de Tsukuba.

Conclusion

La volonté du gouvernement à propulser le pays dans la course du développement de l’Industrie 4.0 fait du Japon un marché particulièrement attractif. Cette détermination témoigne aussi du besoin réel et impératif que le pays à de répondre au double défi du vieillissement de la population (baisse de la main d’œuvre, besoins d’assistance pour la population âgée) et de faire face à la compétition industrielle mondiale dans un contexte de baisse de compétitivité de l’industrie japonaise (le marché japonais de la robotique industrielle demeure néanmoins encore le premier au monde avec 300 000 robots en fonction). Ces objectifs nécessitent par conséquent une refonte du tissu industriel tout entier, offrant de nombreuses opportunités aux entreprises innovantes françaises.


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