Secteurs & marchés
Japon : point sur l'économie - semaines des 23 et 30 mars 2020
Source : Ministère de l'Economie et des Finances
https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2020/04/13/breves-bimensuelles-japon-coree-semaines-des-23-et-30-mars-2020
Evolutions macroéconomiques
Un rapport du Ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie (METI) publié le 31 mars illustre l’impact croissant de l’épidémie de Covid-19 sur les chiffres du commerce de détail et du commerce de gros au Japon.
Les ventes de détail ont augmenté au total de 1,7% en février 2020 par rapport à février 2019. Les ventes en supermarchés ont augmenté de 6% en rythme annuel alors que les ventes dans les grands magasins (departement stores) ont enregistré une baisse record de -11,8%. Ces chiffres s’expliquent par les achats de masse de produits de première nécessité dans la perspective d’un éventuel confinement de certaines préfectures de l’archipel. La baisse des flux touristiques a également eu un impact négatif sur les ventes dans les grands magasins de Fukuoka (-19,8%), Osaka (-19%) et de la préfecture d’Hokkaido en état d’urgence depuis la fin du mois de février (-22%). Les commerces qui affichent des performances positives sont les pharmacies (+19%, dont +46,5% sur les masques et gels désinfectants) et les grands magasins d'électroménager, fournisseurs d’équipements destinés à améliorer le confort à la maison en période de télétravail. Le commerce de gros, à l’inverse, perd -6,2% par rapport au même mois de l’année précédente, notamment dans le secteur de ventes d’équipements et de machines, en baisse significative de -16%. METI
Le baromètre de confiance des grandes entreprises japonaises s’effondre en mars 2020 et tombe au plus bas depuis 2013.
Pour rappel, les indices de l’enquête Tankan (publiée trimestriellement par la Banque du Japon) sont calculés en soustrayant le nombre de réponses négatives au nombre de réponses positives, permettant d’évaluer le niveau d’optimisme ou de pessimisme des chefs d’entreprises sur la conjoncture économique. L’indice de confiance du secteur manufacturier a ainsi chuté de 0 en décembre 2019 à -8 en mars 2020 tandis que l’indice non manufacturier s’est replié de +20 à +8. Les chefs d’entreprise sont particulièrement pessimistes dans les secteurs de la construction navale/machinerie lourde (solde d’opinion à -29 points), métallurgie (solde à -19 points), automobile (solde à -17 points), textile (solde à -17 points) et équipements de production (solde à -11 points). Le secteur non manufacturier semble autant affecté, voire davantage pour ce qui est de l’hôtellerie/restauration (solde d’opinion à -59). Banque du Japon ; Asian Nikkei Review ; Zone Bourse
Les marchés financiers japonais ont subi de fortes tensions et de la volatilité à l’approche de la clôture fiscale le 31/03/2020.
L’indice Nikkei a clôturé à 18 919 points le 31 mars, en repli de -12% depuis le 1er avril 2019 et de -20% sur le dernier trimestre. Face à l’extension de la crise du Covid-19, les investisseurs japonais ont été nombreux à vendre leurs actifs risqués et réduire leur exposition au marché actions, en particulier sur les secteurs financier, automobile, sidérurgique, aérien, minier et pétrolier. Le rendement de l’obligation souveraine à 10 ans (Japanese Government Bond) a clôturé l’exercice fiscal à 0,02% (versus -0,08% le 1er avril 2019 et -0,01% le 1er janvier 2020), signe d’une rare absence de performance sur le marché des obligations alors même que les marchés boursiers dévissaient. C’est un fait nouveau car il illustre la vente par les investisseurs de produits considérés jusqu’ici comme sûrs. Les investisseurs semblent avoir délaissé le marché obligataire pour privilégier le marché monétaire, sur fond d’anticipation de la hausse de l’endettement public et de dégradation de la liquidité. Les tensions apparues sur la liquidité en dollar se sont toutefois apaisées après les mesures conjointes prises par les banques centrales. Business standard ; Asia Nikkei ; Asia Nikkei
Les consommateurs japonais reviennent à la consommation à domicile ; les chaînes alimentaires doivent se réorganiser :
l’augmentation de 4,5% de la fréquentation des restaurants en février 2020 aura été éphémère car, depuis mi-mars, les recommandations de la Gouverneure de Tokyo et de ses homologues des préfectures voisines incitent à limiter très fortement les sorties. Après la fermeture des cantines scolaires le 2 mars, les incitations croissantes au télétravail tout au long du mois écoulé puis la déclaration de l’état d’urgence le 8 avril dans 7 préfectures dont Tokyo, la tendance à la consommation à domicile ne fait que se renforcer avec des conséquences sensibles sur de nombreuses productions agricoles :
- baisse des prix des produits haut de gamme comme la viande wagyu et certains fruits comme le melon (jusqu’à -70% de baisse) qui ne trouvent plus preneurs du fait de la baisse de la demande des restaurants au Japon et en Asie (-6% et -11% d’exportations agroalimentaires aux mois de janvier et février 2020 par rapport à 2019) ;
- tensions sur le riz du fait de la forte hausse des achats de détails. JA estime qu’en mars, les ventes ont augmenté de 10 à 20% par rapport à la même période l'année précédente.
SoftBank Group abandonne l'offre publique de rachat, pour 3 Mds USD, de titres détenus par les grands actionnaires de WeWork qui avait été convenue l'année dernière avec ses actionnaires. Cette décision risque de déclencher une action en justice et d'intensifier les tensions avec le co-fondateur Adam Neumann, le fonds Benchmark, ainsi que d’autres investisseurs institutionnels de la start-up américaine d’espaces de travail partagés, qui auraient dû bénéficier de la moitié de ces 3 Mds USD. SoftBank Group avait annoncé son offre publique d'achat en octobre dernier, dans le cadre d'un plan de sauvetage de 9,5 Mds USD de WeWork. Le retrait de SoftBank intervient alors que le groupe tente difficilement de regagner la confiance de ses investisseurs dans un contexte de tourmente des marchés liée notamment à l’épidémie de COVID-19. Ainsi, le groupe a annoncé le 2 avril la fusion entre son opérateur de téléphonie mobile américain Sprint et son concurrent T-Mobile, qui doit lui permettre de dégager des bénéfices. L'action de SoftBank a cependant baissé de -1,2% à la suite de cette annonce. Le groupe avait déjà tenté en mars de rassurer ses investisseurs en annonçant une importante opération de cession d’actifs (41 Mds USD) pour financer un rachat d’actions et réduire son endettement, ce qui lui avait valu une dégradation de deux crans de sa note par l’agence Moody’s. Nikkei Asian Review
Entreprises
Publication de la deuxième NDC japonaise : la température augmente mais l'ambition climatique ne suit pas.
Le 30 mars, le Japon a publié sa deuxième contribution déterminée au niveau national (NDC – Nationally Determined Contribution). Publié par le Japon une première fois en 2016, ce document décrit les efforts déployés par chaque pays pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) nationales et s’adapter aux effets du changement climatique. Cette publication s’accompagne de l’annonce d’une révision à venir du plan national de lutte contre le changement climatique, adopté en 2016 et d’un rappel du lien étroit entre NDC et mix énergétique, lequel sera également revu en 2021. Le Japon s’engage ainsi à revenir vers l’ONU avant la prochaine échéance de cinq ans pour fournir des informations complémentaires sur sa contribution pour le climat. Cette publication est qualifiée de décevante et nettement insuffisante par de nombreux acteurs et observateurs japonais et internationaux. La nouvelle NDC est en réalité identique aux engagements pris en 2016, avec une cible 2030 de -26 % de gaz à effet de serre par rapport à 2013. Selon le consortium Climate Action Tracker, un tel niveau d’ambition à l’échelle internationale mènerait à une hausse inévitable des températures d’au moins +3°C par rapport aux niveaux préindustriels d’ici 2100. Le lendemain de cette publication, la Secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique, a critiqué une NDC japonaise ne montrant aucune ambition réelle d’accroître les efforts actuels. Le World Resource Institute a qualifié la situation d’« occasion manquée » pour l'archipel, soulignant que les alternatives à faible émissions sont désormais plus accessibles que jamais et souvent moins onéreuses que les solutions traditionnelles. Troisième économie mondiale et cinquième émetteur de gaz à effet de serre, le Japon est l’un des seuls pays du G7 à encore construire de nouvelles centrales électriques au charbon. The Guardian, 30 mars ; The Mainichi, 31 mars; Japan Today, 1er avril.
En savoir plus : Le mix énergétique du Japon : situation actuelle et perspectives (SER de Tokyo)