La vie objective

Sans les mains
Entre début janvier et fin novembre dernier, 3883 personnes ont perdu la vie dans des accidents de la route au Japon. Sur ce total, 2037 étaient âgées de plus de 65 ans, ce qui représente un taux de mortalité pour cette catégorie d’âge de 6,85 morts pour 100.000 personnes. Dans la catégorie, des 30-39 ans, ce taux n’est que de 1,43 pour 100.000 automobilistes. Associant ces chiffres au vieillissement rapide de la population nippone, dont 40% devrait être âgé de plus de 65 ans à l’horizon 2060, les autorités et les constructeurs s’efforcent de développer des automobiles de plus en plus sûres, laissant de moins en moins de place à l’erreur humaine. « L’objectif de toutes ces recherches est en fait de créer des voitures conduisant mieux que les humains », résume un cadre de Toyota.
Si plusieurs technologies “intelligentes” ont déjà été intégrées, depuis deux décennies, par l’industrie, comme par exemple le freinage ABS, les radars de surveillance des angles morts, ou encore le système de maintien sur la voie, quelques constructeurs ont assuré, fin novembre, à l’occasion du Tokyo Motor Show, que les premiers véhicules capables de rouler seuls étaient désormais en ligne de mire.   
Grand adepte des annonces « chocs », Carlos Ghosn a déjà promis une Nissan autonome à prix abordable sur les routes dès 2020. « On sent un appétit du public pour ces voitures automatisées », expliquait le PDG de Renault-Nissan, lors de la présentation, il y a quelques semaines, d’une LEAF équipée de plusieurs technologies du futur. Toyota a lui aussi récemment fait essayer au premier ministre Shinzo Abe une Lexus capable d’évoluer presque sans chauffeur. Et il y a quelques jours, le suédois Volvo a créé la surprise en dévoilant le projet “drive me” qui prévoit la mise en circulation dès 2017 de voitures autonomes sur une cinquantaine de kilomètres de route à Göteborg. Des particuliers seront associés à l’expérience, qui a reçu le soutien des autorités suédoises.

Conduite accompagnée
Les modèles de voitures développés par Volvo, les constructeurs nippons ou encore Google, qui est poussé sur ce segment avec enthousiasme par Sergueï Brin, co-fondateur du moteur de recherche, embarquent, toutes, un complexe appareillage de radars, d’outils de communication et de lasers les guidant dans la conduite et anticipant les mouvements des autres véhicules et des humains qui les entourent. Dans la Lexus “intelligente” de Toyota, la conduite est assistée par de puissants GPS situant au centimètre près le positionnement et l’orientation de la voiture, mais aussi des caméras reproduisant la vision humaine ou encore le système Lidar (pour light et radar), une tourelle montée sur le toit qui permet de capter tous les objets et mouvements à 360 degrés autour du véhicule.
D’autres ordinateurs permettent aussi d’échanger des informations en direct avec les véhicules les plus proches ainsi que les données diffusées par les infrastructures routières sur la fluidité de la circulation ou l’état des feux de signalisation. À terme, le passage d’un piéton dans une rue adjacente où la visibilité est réduite pourra être capté par une caméra de surveillance avant d’être communiqué, en une fraction de seconde, à l’unité centrale du véhicule qui adaptera son virage ou sa vitesse. La LEAF « autonome » de Nissan suit, elle aussi, précisément les marquages au sol pour tenir ses lignes droites ou aborder des virages. Et dans chacun des modèles, l’évolution des données est analysée par un puissant processeur qui traduit les algorithmes en mouvement approprié du volant, du frein ou de l’accélérateur.
Ces véhicules « peuvent éviter les accidents mortels, mais aussi offrir une nouvelle mobilité aux personnes âgées ou paralysées, réduire l’encombrement des routes ou encore baisser la consommation de carburant », résume, dans une nouvelle étude, l’institut américain Eno Center for Transportation. Il explique que des autos connectées entre elles et avec les organismes de gestion du trafic routier pourront en permanence adapter leur vitesse et choisir l’itinéraire le plus économe. Mais les chercheurs de l’organisme croient à un développement graduel de ces solutions, qui sont à l’heure actuelle extrêmement coûteuses, et ne croient pas à l’abolition totale de l’intervention humaine. « Si vous pensez que vous pourrez bientôt monter le matin dans votre voiture avec vos enfants et demander à l’auto de déposer les petits à l’école, de faire un détour au pressing avant de vous emmener à votre bureau, tout en buvant votre café et en lisant votre journal, vous rêvez. C’est de la science-fiction », confirme l’expert de Toyota. La pertinence de ces nouveaux modèles ne sera par ailleurs évidente, explique-t-il, que lorsqu’une large partie du parc automobile aura muté vers ces équipements.  
Beaucoup de barrières technologiques doivent encore être surmontées. Et le gigantesque chantier de la réforme institutionnelle est à peine entamé : les États vont devoir adapter leurs réglementations à ces véhicules et mettre en place de coûteux systèmes pour les alimenter en informations. Les assureurs s’interrogent aussi sur le cadre légal de leur mise en service et le partage des responsabilités en cas d’accident dans une phase de conduite « sans les mains ».

Robots : Retour vers le futur
Les robots japonais ont enfin de l’avenir. Après la catastrophe de Fukushima le 11 mars 2011, la robotique nationale s’était révélée incapable d’apporter la moindre aide aux autorités. Depuis, les ingénieurs japonais de cette spécialité essaient de développer des robots davantage selon leur utilité. L’affront de Fukushima a été en partie lavé lors du Darpa Robotics Challenge, une compétition internationale entre robots qui s’est tenue à Miami début décembre sous l’égide du Pentagone américain. Le grand vainqueur a été l’équipe japonaise Schaft (photo). Emmenée par le professeur Hirochika Inoue, de l’Université de Tokyo, le robot développé par cette équipe est sorti haut la main d’une série de huit épreuves de mobilité. Il a marché sur un terrain bosselé, monté un escalier, nettoyé des débris et connecté une pompe à son boyau. Son secret : sa force provient non d’une pile électrique mais d’un condensateur, ce qui lui permet des mouvements plus rapides.
La brillante équipe de Schaft a déjà créé sa propre start-up, que vient de racheter Google dans le cadre de son programme de développement d’une offre robotique. « Nous avons fait un petit progrès aujourd’hui, mais un grand pas pour contribuer à sauver l’humanité de ses désastres », a commenté à la fin de la compétition DARPA son organisateur Gill Pratt.

Partager cette page Partager sur FacebookPartager sur TwitterPartager sur Linkedin