Les Français prennent l'aéro

Tokyo air show : les Français prennent l'aéro

L'industrie aéronautique japonaise réfléchirait enfin à nouer des partenariats avec des acteurs européens, dont les Français.

En 2012 l’Air Show de Nagoya devait servir d’occasion pour lancer le MRJ, l’avion de tourisme développé par Mitsubishi qui a pris des allures d’enjeu national au ministère de l’industrie. Quatre ans après l’avion ne vole toujours pas ; et les esprits chagrins remarquent que l’Air Show de Tokyo est le seul salon aéronautique international en milieu fermé “sans démonstration en vol”. L’édition 2016 représente tout de même un progrès majeur par rapport à 2012. Avec 800 exposants, il a atteint une taille honorable. Et les exposants... exposent. “Les Japonais montrent des choses. Auparavant ils ne nous produisaient que des maquettes d’avion et des posters”, s’amuse un participant français positivement surpris par la manifestation. Avec une trentaine d’exposants, juste derrière l’inévitable présence américaine, la France affiche ses ambitions sur le deuxième marché d’Asie. “Il y a des acteurs de toute taille dans la délégation” se réjouit Guy Bonaud, président de l’antenne japonaise du GIFAS, l’association des industries du secteur aéronautique, et représentant de SAFRAN Helicopter Engines dans l’Archipel. “Il y a davantage de PME cette fois, et le salon est mieux organisé”, se réjouit-il. Quelques jours plus tard une délégation d’industriels de l’aéronautique japonaise se rendait en France à l’initiative du JETRO.

La France en formation serrée
Pourquoi cette mobilisation ? La France tient une place particulière dans la vision des Japonais. Puissance capable de se débrouiller sans l’Amérique, dont les armes font leurs preuves dans les conflits de la planète quand celles du Japon ne sont pas testées en action, elle est considérée par Tokyo avec les yeux de Chimène. “Le succès des sous-marins français en Australie, à la barbe de l’offre japonaise, a stupéfait les Japonais. Pour eux la France est un des rares pays capable d’aller au bout d’un appel d’offres militaire” explique un participant au salon. Le Japon lorgne d’autant plus facilement vers l’Europe que le partenaire américain a durci ses conditions de coopération avec ses fournisseurs nippons. Boeing leur a demandé de gros efforts sur les prix pour leurs composants sur leur nouveau modèle 777X. “Plus rien n’est automatique”, se réjouit un indutriel européen.

Shinzo Abe à la manœuvre
Le Premier ministre Shinzo Abe a fait tomber les “trois principes” qui interdisaient de facto au Japon d’exporter son matériel militaire. Cette nouvelle politique vise en partie à limiter les dépenses d’armements d’un État en délicate situation budgétaire et donne une ouverture aux outsiders. Le Japon n’en est visiblement qu’au début de sa réflexion : il demeure le pays qui consomme le plus de pièces de rechange, observe un fin connaisseur des marchés militaires de la planète. “Ils ont 200 F15, soit 400 moteurs, des hélicoptères qui ont trois heures d’autonomie... Pour faire quoi?”, s’interroge-t-il faussement.
Et il y a ce MRJ, fleuron national qui est en train de prendre du retard. L’avion de ligne de MHI présenté comme révolutionnaire ne volera pas avant 2018. Les technologies qu’il présentait comme révolutionnaires sont en train d’être mises au point par la concurrence, notamment le Brésilien et son E-jet, dont le dernier modèle a volé du Brésil au Air Show de Farnborough en Grande-Bretagne cet été. “Pendant ce temps le MRJ fait des ronds dans le ciel autour de Nagoya”, persifle un industriel européen. Les Japonais n’ont aucune expérience de vente, et leur échec cuisant avec le programme de sous-marins australiens montre à quel point ils naviguent à vue. Un co-pilote français ne serait pas de trop.

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