Les pires clients sont les meilleurs

Réussir au Japon est capital. Voici pourquoi

Des pneus parfaits

On ne badine pas avec le client au Japon. Bernard Delmas, de Michelin Japan, le sait bien. "Le Japon est le seul pays dans lequel Michelin doit livrer des pneus absolument impeccables. Il y a de petits évents de moulage sans importance qu’on laisse sur les pneus finis partout dans le monde - sauf dans ce pays. Les pneus sont présentés chez les concessionnaires avec le soin réservé d’ordinaire aux bouquets de fleurs !", s’amuse-t-il.

Tout le monde vous le dira : les Japonais sont les clients les plus exigeants au monde. Le marché japo­nais représente un test qualité grandeur nature pour les entreprises étrangères. Un échec ne les contraint pas à mettre la clé sous la porte tant les conditions requises sont exceptionnelles ; mais un succès leur ouvre les portes des autres marchés, en particulier les marchés asiatiques. "Les clients asiatiques se disent en général que ce qui est plébiscité au Japon pourra fonctionner chez eux", résume un industriel français en poste au Japon.

Non au bling-bling

Cette autorité du client final japonais n’est jamais aussi visible que dans la distribution. Le direc­teur français d’un distributeur implanté au Japon témoigne sous couvert d’anonymat : "il y a plu­sieurs raisons pour lesquelles les Japonais sont les meilleurs consommateurs du monde. D’abord ils comprennent parfaitement les caractéristiques d’unproduit, sa valeur historique, stylistique, l’artisanat qui est intervenu dans sa fabrication... Ils ont une perception de la qualité beaucoup plus fine que les autres consommateurs. La publicité ou le mar­keting ont peu d’impact sur eux. Les Japonais ne se laissent pas berner par le bling-bling. Cela veut dire qu’un produit qui se vend bien au Japon est un "bon" produit dans lequel la marque, le prix et la qualité ont été correctement calibrés. L’entreprise qui fabrique ce produit doit aussi fournir un service parfaitement homogène autour de lui - ce qui n’est pas donné à tout le monde".

Cette exigence rend-elle le marché japonais difficile à percer ? Au contraire : il accueille acteurs petits comme grands tant qu’ils demeurent intraitables sur la qualité - et sur un service impeccablement constant. Le Japon est un pays de "grands groupes" mais aussi d’entrepreneurs singuliers et de labels confidentiels reconnus par les clients japonais. D’ou les implantations à succès de petits artisans : boulan­gers (Du pain et des idées de Christophe Vasseur), fleuristes (Christian Tortu), chocolatiers (Blondel) et autres authentiques entrepreneurs pour qui le Japon est aussi important que Louis Vuitton ou Renault.


LOMOTENASHI EST-IL UN MYTHE ?

Le service à la japonaise n'existe... qu'au Japon

Les entreprises japonaises n'ont pas réussi à exporter leur légendaire qualité de services. Aucun acteur japonais parmi les groupes hôteliers mondiaux. Si le service à la japonaise est reconnu en Asie, en particulier par les Chinois, il ne l'est pas dans le reste du monde. Un chef d'entreprise explique : "Les Japonais se gargarisent de l'omotenashi et de leur sens de l'hospitalité. Mais alors comment expliquer que les marques de luxe étrangères servent mieux les clients japonais que les marques du cru ? Que les grands groupes hôteliers japonais n'aient jamais percé à l'étranger ? Que Starbucks traite mieux ses clients que ses concurrents locaux Doutor ou Café de Crié ?" Pour lui, si le service est remarquable et de qualité égale au Japon, il ne résulte pas d'une philosophie des entreprises mais d'un trait général de la société. Les employeurs n'ont pas à se préoccuper de réfléchir à ce qui constitue un bon service puisqu'ils embauchent des gens déjà courtois, éduqués, serviables et qui s'efforcent de répondre à toutes les attentes de leurs interlocuteurs quels qu'ils soient.


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