L'industrie à tout prix

Pour sauver le made in Japan, les constructeurs réinventent leur modèle industriel

 

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Sans attendre une stratégie politique de lutte contre le yen fort qui pèse sur la compétitivité du made in Japan, les grands constructeurs automobiles de l'Archipel ont multiplié, dès 2010, les initiatives pour maintenir dans le pays une large part de leur outil industriel. S'ils ont largement délocalisé depuis les années 90 vers les marchés étrangers, tous s'efforcent de conserver sur place la production de véhicules destinés à la clientèle japonaise ou la fabrication de voitures haut de gamme.
Rappelant constamment la fonction sociale de leur entreprise, les dirigeants de Toyota sont les plus engagés dans cette stratégie de sauvegarde des usines nippones. Ils répètent régulièrement vouloir continuer d'assembler au moins trois millions de véhicules chaque année dans le pays, soit près de 40% de leur production mondiale. Pour maintenir leurs marges, ils développent sur leurs chaînes des stratégies d'économies souvent expérimentées à Ohira, près de Sendai.
Pour casser les coûts sans toucher aux salaires des employés du site qui a été inauguré début 2011, juste avant la catastrophe du 11 mars, les ingénieurs de Toyota et de Central Motors, la filiale du groupe responsable de l'usine, ont conçu une structure plus compacte et flexible. « C'est la première usine low cost du secteur », résume un expert. En comparaison avec les usines d'assemblage traditionnelles, le site d'Ohira, qui produit les nouvelles Corolla, apparaît presque allégé. Les lignes sont moins encombrées de robots et les gigantesques convoyeurs mécaniques qui transportent généralement les autos d'un poste à l'autre ont été supprimés. Entre les ateliers, les voitures en construction sont déplacées sur des plates-formes de cinquante centimètres de haut roulant au sol. En supprimant les structures au plafond, qui nécessitent des architectures renforcées, et en ne creusant pas le sol pour ancrer les systèmes faisant progresser les lignes d'assemblage, Toyota dit avoir divisé par deux le coût de construction et d'aménagement du bâtiment, qui a aussi gagné en flexibilité.

Une productivité dopée
Les postes de montage peuvent être modulés rapidement en fonction des modèles commandés. Pour réduire la surface des ateliers et les temps de déplacements, le groupe a encore créé une ligne où les voitures ne progressent pas les unes derrière les autres entre les différents postes, mais côte à côte. Ce mode de déplacement aurait raccourci la ligne d'assemblage de 35% et dopé la productivité. D'autres gains de temps ont été réalisés dans l'atelier de peinture, où une nouvelle technologie permet de peindre les trois couches nécessaires à chaque carrosserie sans attendre les séchages intermédiaires.
Les gains de temps, l'abaissement du plafond, qui n'a plus besoin de supporter de lourds équipements, ou encore la réduction de la surface globale du site permettraient à Toyota de réduire de 35 % la consommation d'énergie de l'usine d'Ohira. En généralisant progressivement ces innovations à l'ensemble de ses sites de production, le constructeur affirme qu'il pourra réduire ses dépenses d'investissement d'au moins 40 % et contrebalancer le fort taux de change du yen.
Se proposant, de son côté, de maintenir l'assemblage d'un million de véhicules dans l'archipel, Nissan tente de renforcer son accès à des composants importés moins chers. La nouvelle Note lancée par le constructeur à l'automne dernier est assemblée au Japon, dans l'usine de Kyushu du groupe, mais elle comporte plus de 40% d'éléments achetés en Chine, en Thaïlande et surtout en Corée du Sud. Repensant les relations traditionnelles qui le liaient, autrefois, aux équipementiers nippons, Nissan n'hésite plus à mettre les fabricants locaux en concurrence avec les autres producteurs asiatiques. Militant pour ces nouveaux schémas, Carlos Ghosn, le PDG de Nissan, voudrait que ses automobiles made in Japan intègrent en moyenne, à l'horizon 2017, 40 % de pièces importées contre un total compris aujourd'hui entre 20 % et 30 % en fonction des modèles.
Son exemple a aussi été suivi par les autres acteurs de l'archipel. Chez Mitsubishi Motors et Subaru, ce sont des phares fabriqués par le sud-coréen Hyundai Mobis qui équipent, depuis 2011, certaines des nouvelles berlines. Même Toyota invite désormais des équipementiers sud-coréens à la grande foire commerciale tenue chaque année dans son bastion d'Aichi.

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