Livre : Le mythe du siècle de l'Asie

John West

L'économiste John West signe l'acte de décès du mythe Asiatique.

Les valeurs asiatiques n’ont plus la côte. Il y a vingt ans une génération de leaders du continent, enfiévrés par leurs taux de croissance économique, prédisaient au monde un 21e siècle « asiatique ». Au début de cette décennie, tandis que les États-Unis et l’Europe pansaient les plaies du choc Lehman, de nouvelles voix issues de cette partie du monde ressortirent le clairon :
« Les deux siècles de domination occidentale sont une aberration de l’Histoire. Entre l’an 1 et l'an 1820, la Chine et l’Inde étaient les deux plus grandes économies du monde. Le siècle de l’Asie est inéluctable », expliquait notamment, de Singapour, Kishore Mahbubani. Or ce mythe est à nouveau en train de sombrer. Certes, cette partie du monde continue de créer sa propre richesse. Mais la planète n’a pas changé de chauffeur : les États-Unis poursuivent leur course en tête. Les brevets, les nouveaux modèles commerciaux, la culture populaire ont toujours principalement pour origine l’Amérique du Nord. Et ce siècle sera probablement celui de l'« Atlantique », entre Europe et États-Unis, et non pas du « Pacifique », entre Asie et États-Unis.

L'HEURE DES COMPTES
L'ouvrage de John West, Asian Century on a knife-edge, est le livre de comptes du mythe asiatique. Après-guerre, les États-Unis furent les financiers, les garants de l’ordre régional et le marché des pays de la région. Parmi ces derniers, relève notre auteur, seul le Japon a failli détrôner les États-Unis et l’Allemagne, avant de tomber dans la stagnation. La Chine impressionne par sa masse ; mais elle est déjà percluse, dans l'oeuf, de problèmes bien plus profonds que le « jeune continent » américain. Un constat que Lee Kwan Yew (photo), le fondateur de la moderne Singapour et promoteur lui-même des « valeurs asiatiques », faisait implicitement en son temps : « la Chine peut compter sur 1,3 milliard de talents, mais les États-Unis peuvent compter sur sept milliards de talents et les intégrer dans une culture diverse qui stimule l’innovation d’une manière que la Chine nationaliste des Han ne peut pas reproduire ». Même Hong Kong et Singapour, ces « cités-États », impressionnantes comparées à des pays, ne font pas le poids face à d’autres cités comme New York ou Londres.
John West identifie sept défis qui se présentent à l'Asie : créer davantage de valeur dans sa chaîne de production, réussir sa transition urbaine, promouvoir l'égalité entre concitoyens, relancer la démographie, renforcer la démocratie, punir le crime organisé. Le principal défi est celui d'« ouvrir » ces sociétés ethnocentriques : « les diplômés asiatiques partent au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis tandis que les moins qualifiés partent mener une vie d'esclaves au Moyen Orient », observe John West.
L'élection de Donald Trump est à cet égard une terrible nouvelle pour le continent : elle pourrait accélérer son découplage avec l'Amérique, donc le priver de ses consommateurs (qui sont en bout de sa chaîne de production), de ses soldats (qui assurent la pax americana dans la région) et de son aiguillon démocratique. Et, précisément, de ses valeurs.

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