Analyses & Etudes
LOI SAPIN II - Une première décision de l’AFA : entre prévention et pragmatisme
La Chambre est heureuse d’ouvrir sa rubrique « Analyse » à un article aimablement fourni par Catherine Gaillarde et Airi Tozaki, avocats LPA-CGR avocats, Japan Desk, Bureau de Paris - membre bienfaiteur de la CCI France Japon.
LOI SAPIN II -1ère décision rendue par la Commission des Sanctions de l’Agence française anticorruption (AFA) sur le contrôle de conformité du dispositif anticorruption
Une première décision de l’AFA : entre prévention et pragmatisme
La Loi Sapin II (loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016) a institué l’Agence française anticorruption (AFA) qui est en charge du contrôle de conformité du dispositif anticorruption prévu par cette loi.
Entre autres missions, l’AFA a pour rôle de contrôler, sur sa propre initiative, la qualité et l’efficacité des procédures mises en œuvre par les sociétés entrant dans les seuils de la loi Sapin*, afin de prévenir et détecter notamment les faits de corruption et de trafic d’influence. Pour ce faire, elle est dotée d’un pouvoir d’enquête et de sanction.
Pour la 1ère fois depuis sa création, la Commission des sanctions de l’AFA a rendu une décision relative à l’application de la Loi Sapin II (décision n°19-01 du 4 juillet 2019).
A la suite du contrôle réalisé par l’AFA au siège de la société Sonepar à la fin de l’année 2017, la Commission des sanctions de l’AFA a été saisie afin de constater plusieurs manquements à l’article 17 de la Loi Sapin II. Pour rappel, cet article prévoit la mise en place de 8 mesures anticorruption, parmi lesquelles la mise en place d’un code de conduite, d’une cartographie des risques et d’un dispositif d’alerte interne, « whistleblowing system ».
Il est intéressant de noter que pendant les 20 mois au cours desquels la procédure de l’AFA a suivi son cours, la société Sonepar a poursuivi le processus d’amélioration des mesures anti-corruption afin de continuer la mise en conformité de ses procédures internes avec les 8 mesures anti corruption préconisées par l’article 17 de la Loi Sapin II.
Ainsi, lorsque la Commission des Sanctions s’est finalement réunie en audience afin de statuer sur les manquements reprochés à la société Sonepar à l’issue de cette période de 20 mois, celle-ci a considéré que les manquements reprochés initialement à la société Sonepar ne persistaient plus à la date à laquelle elle statuait, et n’a donc retenu aucune sanction contre cette dernière, ni contre son dirigeant.
La Commission des Sanctions a en effet noté, outre le fait que certains manquements n’étaient pas constitués à la date où elle statuait, « l’effort réel » déployé par la société et le fait qu’elle était « en train de compléter » son dispositif.
La Commission a indiqué en outre que les manquements susceptibles de donner lieu à l’application de sanctions étaient ceux afférents à une situation perdurant jusqu’à la date à laquelle le Commission statue – et non ceux constatés initialement.
C’est là l’importance de cette décision qui s’inscrit dans une démarche préventive et pragmatique. Contrairement aux infractions judiciaires, lesquelles donnent lieu à condamnation dès lors qu’elles sont constituées, cette décision offre à la société poursuivie une possibilité de rattrapage pour réparer ses manquements entre la date à laquelle les manquements ont été constatés et la date à laquelle la Commission statue.
A l’issue de cette procédure intitée à l’encontre de la société Sonepar, qui peut s’apparenter à un exercice de mise en conformité, celle-ci s’est retrouvée dotée du premier système de prévention et de détection anti corruption parfaitement validé par l’AFA. A ce stade de l’application de la Loi Sapin II, soit 30 mois après son entrée en vigueur, la Commission des Sanctions de l’AFA se révèle donc être un partenaire efficace des sociétés et dirigeants et non un outil de répression, à condition bien entendu que ces derniers fassent preuve de diligence.
* La Loi Sapin II s’applique à toute société basée en France :
- qui emploie au moins 500 personnes, ou appartenant à un groupe de sociétés qui emploie au moins 500 salariés dans le monde mais dont la société mère a son siège social en France, et
- dont le chiffre d’affaires consolidé ou non est supérieur à 100 millions d’euros.
Ces 2 seuils sont cumulatifs.