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Regards croisés sur la consommation d’alcools en France et au Japon : entre dogme et pragmatisme

 Regards croisés sur la consommation d’alcools en France et au Japon  Entre dogme et pragmatisme

Cet article est fourni par le cabinet d’avocats TMI Associates, membre bienfaiteur de la CCI France Japon

La France et le Japon ont en commun une certaine tolérance à l’égard de la consommation d’alcool, tant pour sa part festive que pour sa contribution à l’allégement de la pression sociale sur ses citoyens. Parmi bien d’autres, les deux extraits suivants donnent une idée assez exacte de la résistance de chacun des pays à aller plus loin dans les restrictions qu’imposeraient les exigences sanitaires et sécuritaires. 

Pour la France « La consommation d’alcool est un sujet sensible, car l’alcool est associé aux événements festifs, aux modes de vie et à la culture. Cet héritage social et culturel, renforcé par des enjeux économiques, induit une tolérance générale vis-à-vis de la consommation d’alcool qui explique, pour une large part, la difficulté à définir et à mettre en œuvre une politique publique adaptée.” Cour des comptes 2016

Pour le Japon « Boire n'est pas une question morale, car il n'y a pas d'interdiction religieuse de la consommation d'alcool et le mouvement de tempérance n'a jamais eu d'impact. Traditionnellement, il y a eu une attitude indulgente envers ceux qui boivent trop - et pour une bonne raison. Dans une société étroitement soudée où dissimuler les émotions et les frustrations est un élément hautement développé et nécessaire pour maintenir un « consensus », se saouler est une soupape de sécurité socialement acceptée.” Dave Milne, Canadian Medical Association, Consommation d'alcool au Japon : culture différente, règles différentes, 2002.

Ceci posé, essayons d’y voir plus clair sur les contraintes qu’imposent chacun des pays aux amoureux de la bonne bouteille.  On les retrouve à plusieurs niveaux, celui de la vente (I), de la promotion (II) et de la consommation (III).
 

I. Règlementation de la vente d’alcool en France et au Japon
 

Chacun des pays part du principe que la consommation d’alcool peut être dangereuse et qu’il ne faut pas en laisser le commerce entre toutes les mains. Il faut aussi en protéger les mineurs. C’est sur ces deux points qu’on trouvera le plus de similarités.


     (A) Conditions générales de la vente de boissons alcoolisées
 

En France, la commercialisation d’alcool nécessite l’obtention d’une licence. La licence requise varie selon les modalités de la vente (consommation sur place ou vente à emporter) selon le type d’alcool vendu (groupe 1, groupe 3 et groupes 4 et 5) et selon le type d’établissement (débit de boissons ou restaurant). Ainsi pour pouvoir commercialiser en dehors des repas tout type de boissons alcoolisés l’obtention de la licence de 4° catégorie, dite de plein exercice ou Licence IV, est obligatoire.

La licence IV est en principe délivrée après une formation qui débouchera sur l’obtention d’un permis d’exploitation valable 10 ans. Leur octroi est en réalité limité en raison du souhait des pouvoirs publics de contrôler le nombre de débits de boisson.

Une fois la licence obtenue, chaque établissement est soumis à un certain nombre de contraintes sur les conditions de sa commercialisation pour en limiter les excès. C’est ainsi que par compensation, un débit de boissons alcoolisées doit offrir à la vente au moins dix boissons non alcoolisées sur un étalage approprié1. De plus, s’il propose des boissons alcoolisées à prix réduits pendant une période restreinte communément appelée « happy hour », il doit également proposer à prix réduit des boissons non alcoolisées (article L. 3323-1 du Code de la santé publique).

Enfin, contrairement au Japon, la vente de boissons alcoolisée via de distributeurs automatiques est interdite en France (article L. 3322-8 du Code de la santé publique). A cette différence près (qui est de taille il est vrai), le régime des licences est au Japon assez proche de celui de la France.

Au Japon, toute personne souhaitant se livrer à la vente de boissons alcoolisées doit obtenir une licence pour chaque emplacement de vente auprès du bureau des impôts ayant juridiction sur le lieu de vente. La licence de type général « Ippan shurui kourigyo menyo » est celle qui permet au détaillant de vendre toutes les sortes de boissons alcoolisées dans une boutique physique. Pour les ventes à distance (soit en ligne, soit par correspondance), il lui faudra obtenir une licence spécifique « tsushin hanbai shurui kourigyo menkyo ».

https://www.nta.go.jp/foreign_language/report2003/text/02/01.htm

"De plus au motif notamment de la protection des mineurs, il n’est plus possible d’obtenir une licence exclusivement réservée à la vente de boissons alcoolisées dans des distributeurs automatiques. La raison en est qu’en principe la délivrance d’une boisson alcoolisée doit se faire dans une boutique pour permettre au vendeur de vérifier l’âge de l’acheteur. Une recommandation relative à ce type de distributeurs automatiques publiée par la National Tax Office datant du 28 juillet 1995 a invité les détaillants de boissons alcoolisées à supprimer, dans un délai de 5 ans, tous les distributeurs automatiques ne leur permettant pas de vérifier l’âge de l’acheteur et à les remplacer progressivement par un appareil de nouvelle génération équipé d’un lecteur de pièce d’identité (type permis de conduire). Le remplacement par des distributeurs automatiques de nouvelle génération a atteint son niveau maximum en 2007 avec un nombre de 21.000 machines installées. Toutefois, en raison non seulement du coût très élevé d’un distributeur automatique de nouvelle génération mais aussi de la présence de « convenience stores » (konbini), tels que Seven Eleven, Family Mart, Lawson, accessibles sur les 24h/24 et 7 jours 7, aussi bien dans les grandes villes que dans les petites villes, voire en zone rurale, le nombre recensé de tous les distributeurs automatiques (toute catégorie confondue) en 2017 ne s’élève plus qu’à 17.000, soit 1/10 environ des 186.000 distributeurs automatiques recensées en 1996."


   (B) Règlementation spécifique à la vente d’alcool aux mineurs
 

En France, la vente ou l’offre à titre gratuit de boissons alcooliques à des mineurs est interdite dans les débits de boissons et tous commerces ou lieux publics. Il est en outre interdit de recevoir dans un débit de boissons un mineur de moins de 16 ans non accompagné d’une personne majeure. La protection des mineurs a été accentuée par la loi santé du 26 janvier 2016 qui prévoit notamment l’introduction du délit de provocation directe d'un mineur à la consommation excessive d'alcool ou à la consommation habituelle d'alcool pouvant entrainer respectivement une condamnation à un an d’emprisonnement et au paiement d’une amende de 15.000 euros et, pour le second délit, deux ans d’emprisonnement et 45.000 euros2. Les sanctions sont doublées lorsqu’il s’agit de mineur de moins de quinze ans.

Au Japon la consommation d’alcool est interdite aux mineurs de moins de 20 « miseinensha inshu kinshiho ». Nonobstant l’abaissement de l’âge de la majorité civile de 20 ans à 18 ans à partir du 1er avril 2022, la consommation d’alcool restera comme aujourd’hui interdite au moins de 20 ans. En cas de consommation d’alcool par un mineur, une amende administrative ou pénale est prévue, soit à l’encontre des parents qui ont laissé l’enfant mineur consommer de l’alcool (1.000 à 10.000 yens), soit à l’encontre du professionnel qui a vendu une boisson alcoolisée (jusqu’à 5000.000 yens). Pour ce dernier, se voir infliger cette sanction constitue une des causes justifiant l’annulation de licence de débit de boissons.
 

II. Règlementation de la publicité pour des boissons alcooliques en France et au Japon
 

Au Japon comme en France, il existe des limitations quant au support et au contenu de telles publicités (A), ainsi que des dispositions spécifiques visant les mineurs et les femmes enceintes (B).
 

     (A) Limitation des supports et du contenu de la publicité
 

En France, la loi Evin du 10 janvier 1991 a règlementé la publicité ne faveur des ventes d’alcool. L’article L. 3323-2 du Code de la santé publique limite la publicité aux supports autorisés suivants : la presse écrite, la radio dans certaines tranches horaires, les affiches, les brochures commerciales, les inscriptions sur les véhicules de livraison, les fêtes et foires traditionnelles et les services de communications en ligne. La télévision n’est pas comprise dans les supports autorisés en France.

En revanche, elle l’est au Japon au même titre que les journaux, les magazines, les affiches, la radio, Internet, les brochures destinées aux consommateurs. Le support publicitaire doit cependant satisfaire aux exigences élaborées par une organisation professionnelle dite commission d’examen pour la publicité de l’alcool (shurui no kokoku shinsa iinkai)3 qui impose d’afficher un message rappelant sur tous les supports que la consommation de l’alcool par un mineur est interdite. Ladite commission précise la taille de police d’un tel message et le temps d’affichage sur la télévision. Notez aussi que toute publicité à la télévision de la boisson alcoolisée est interdite entre 5h et 18h.

En France les restrictions relatives au contenu de la publicité pour une boisson alcoolisée sur les supports autorisés sont exprimées en termes généraux. Ainsi un tel message publicitaire doit être informatif et se limiter à un certain nombre d’indications objectives4 telles que le degré volumique d'alcool, l'origine, la dénomination, la composition du produit, le mode de fabrication, le mode de consommation du produit, les références aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine ou aux géographiques et enfin les références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit. Ces restrictions ont néanmoins connu certains assouplissements lors de l’édiction de la dernière loi santé du 26 janvier 2016. Le nouvel article L3323-3-1 dispose désormais que « ne sont pas considérés comme une publicité ou une propagande, les contenus, images, représentations, descriptions, commentaires ou références relatifs à une région de production, à une toponymie, à une référence ou à une indication géographique, à un terroir, à un itinéraire, à une zone de production, au savoir-faire, à l'histoire ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d'une identification de la qualité ou de l'origine, ou protégée au titre de l'article L. 665-6 du code rural et de la pêche maritime».

Enfin, toute publicité doit être assortie d’un message à caractère sanitaire précisant que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé,

Au Japon, si les restrictions quant au contenu de la publicité pour une boisson alcoolisée ne sont pas aussi étendues qu’en France, elles n’en restent pas moins assez nombreuses. Ainsi plusieurs expressions sont prohibées dans la publicité telles que notamment les expressions pouvant conduire à une consommation excessive d’alcool, les expressions pouvant inciter à aller boire, telle que “Ikki Nomi (allons boire)”, les expressions incitant les femmes enceintes ou en train d’allaiter à boire, les expressions recommandant ou incitant à boire au moment de faire du sport ou au moment de prendre un bain (« au moment » signifiant pendant ou immédiatement avant ou après), les expressions incitant à boire dans des conditions inappropriées, par exemple boire dans un endroit dangereux et les expressions incitant à conduire sous l’influence d’alcool5.

Comme en France, toute publicité doit être assortie d’un message à caractère sanitaire précisant que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. 

S’ajoutent à ces règles, l’interdiction d’utiliser un mannequin âgé de moins de 25 ans et celle d’installer un panneau publicitaire de grande taille à moins de 100 mètres d’établissement d’enseignement (école, collège et lycée). Quant aux transports publics, toute publicité à l’extérieur d’un bus et d’un train est interdite. A l’intérieur, en revanche, elle est autorisée sous réserve que des espaces soient dédiés à d’autres type de produits.

Notez enfin que les boissons sans alcool, telle que les bières sans alcool, sont soumises au même code de conduite que les boissons alcoolisées6.

Outre les règles légales exposées plus haut, il existe au Japon des normes volontaires intitulées « Normes volontaires concernant la publicité des boissons alcoolisées et l'indication sur les emballages de boissons alcoolisées ». Elles ont été élaborées par un comité représentatif des huit associations du secteur des alcools, notamment la Japan Wines and Spirits Importers 'Association 協会). Ces normes visent non seulement la publicité pour les boissons alcoolisées, mais également les indications sur les récipients contenant des boissons alcoolisées et des boissons non alcoolisées ayant un goût d’alcool. Elles ont été publiées pour la première fois en 1988 et modifiées 14 fois depuis (voir leur traduction en anglais sur le site suivant : https://youshu-yunyu.org/english/self-regulatory_code/index.html)
 

Bien que ces normes ne relèvent pas de la loi et ne sont donc pas obligatoires, tous les producteurs locaux et les importateurs sont tenus de les respecter. Comme expliqué dans les directives, les plaintes des consommateurs peuvent être adressées au Conseil japonais de l'industrie des boissons alcoolisées, qui enquêtera sur l'affaire et demandera instamment au producteur / importateur défaillant de se conformer. Dans le contexte japonais, le non-respect de ces normes est en réalité impossible.
 

     (B) Dispositions particulières relatives aux mineurs et aux femmes enceintes.
 

Les restrictions d'âge imposées au Japon pour acheter et boire de l'alcool, peuvent paraître surprenantes et font douter qu’elles puissent être parfaitement suivies : Comme on l’a vu, l’acheteur doit avoir plus de 20 ans et pour le prouver être en possession d’une carte d'identité valide (pour les étrangers, une carte de résidence). Il faut aussi le valider sur l’écran de la caisse, quand bien même de visu le visage d’un âge avancé ne laisserait aucun doute.

En outre, la publicité pour une boisson alcoolique ne doit pas être diffusée dans les programmes télévisés, les programmes radiophoniques, les journaux, les magazines, les sites Internet ou les brochures visant les mineurs. Il est prévu également que des mineurs ou des personnalités susceptibles de les attirer ne doivent pas apparaître dans la publicité. Poursuivant la même finalité, les logos ou les marques de boissons alcoolisées ne doivent pas être utilisés sur des vêtements, des jouets ou des jeux vidéo destinés aux mineurs7.

De la même manière en France, le Code de la santé publique interdit toute publicité pour des boissons alcoolisées dans les publications destinées à la jeunesse. Il est aussi interdit de remettre, de distribuer ou d’envoyer à des mineurs des documents ou objets nommant ou représentant une boisson alcoolisé. Enfin, le fait d’inciter directement un mineur à une consommation excessive ou habituelle d’alcool est puni en application de la loi du 26 janvier 2016 sur la modernisation du Code de la santé publique.

S’agissant des femmes enceinte ou en train d’allaiter, les deux législations prévoient des dispositions visant à les dissuader de consommer des boissons alcoolisées. Ainsi en France les boissons alcoolisées commercialisées ou distribuées à titre gratuit sur le territoire français doivent porter sur leur conditionnement un message sanitaire destiné aux femmes enceintes préconisant la non-consommation d’alcool. Il peut s’agir d’un pictogramme représentant une femme enceinte dans un cercle barré ou d’un message rédigé ainsi « la consommation de boissons alcoolisées pendant la grossesse, même en faible quantité, peut avoir des conséquences graves sur la santé de l’enfant ».

Au Japon, une phrase mettant en garde les femmes enceintes ou en train d’allaiter sur les effets de l’alcool, telle que par exemple « La consommation d’alcool lorsque vous êtes enceinte ou en train d’allaiter peut altérer la croissance du fœtus ou du nouveau-né », doit être mentionnée dans les publicités apparaissant dans les journaux, les magazines, les affiches, la télévision, la radio, Internet et, les brochures destinées aux consommateurs.

 

III. Alcool et conduite en France et au Japon

 

Au Japon comme en France, la conduite en état d’ivresse est une des principales causes des accidents de la route les plus graves. En réponse à ce constat communément partagé, chacun des pays a cependant réagi par des mesures qu’ils jugent exemplaires, à ceci près qu’elles le furent bien davantage au Japon au point que le nombre d’accidents liés à l’alcool a été relégué à la dernière place tandis qu’il reste le premier en France. Un regard plus attentif sur les mesures prises par chacun des pays s’impose donc pour mieux comprendre les causes d’une telle différence dans les résultats.

Les deux pays ont instauré un régime de permis à points (A), la consommation d’alcool au volant étant une des infractions impactant le nombre de points et entraînant des sanctions à concurrence de la plus ou moins grande quantité de points (B).

     (A) Système de permis à points

Les systèmes de permis à point de ces deux pays fonctionnement certes différemment pour aboutir à peu près au même résultat.  En France le conducteur en perd, au Japon il en gagne avec pour conséquence ultime la privation du permis de conduire.

Ainsi, en France, un conducteur débutant obtient 6 points après avoir passé avec succès l’examen de conduite. Il gagne automatiquement deux points par an s’il ne commet aucune infraction au code de la route jusqu’à atteindre un maximum de 12 points8. Il est susceptible de perdre des points en cas d’infraction au code de la route en proportion de l’importance de l’infraction. Si le nombre de points tombe à 0, le permis est suspendu pour une période de six mois avec des possibilités de de récupérer des points sauf en cas d’invalidation automatiquement au bout d'un certain délai sans infractions ou via le suivi d'un stage de sensibilisation9. A l’inverse au Japon, un conducteur part de 0 points et se voit infliger des points dont le nombre varie en fonction de la gravité de l’infraction, Ces points sont des points de pénalités, et donc plus il en obtient, plus il sera sanctionné.

     (B) Sanction de la conduite sous l’emprise d’alcool

S’agissant de la conduite sous l’emprise d’alcool, il ne faut pas être devin pour supposer que la loi française est très sensiblement plus laxiste que la loi japonaise

En France les conducteurs expérimentés (titulaires du permis de conduire depuis plus de 3 ans), n’encourent aucune sanction si leur taux d’alcoolémie est inférieur à 0.5 g/l (soit 0,25 mg d’alcool dans un litre d’air expiré). Ainsi, les français peuvent boire environ deux verres de vin avant de prendre le volant. Entre 0.5 g/l et 0.8 g/l, un conducteur peut être condamné à une amende forfaitaire de 135 euros et perdre 6 points ainsi que l’immobilisation de son véhicule. Il peut aussi voir son permis suspendu pour une période de six mois à 3 ans10.

Un taux d’alcool dans le sang supérieur à 0.8g/l constitue un délit routier et peut entrainer la condamnation du conducteur à 2 ans de prison, une amende de 4.500 euros, la perte de 6 points, l’immobilisation du véhicule, l’obligation de suivre un stage de sensibilisation à la sécurité routière aux frais du contrevenant et la suspension du permis de conduire jusqu’à 3 ans11.
En parallèle, à la suite de la publication du décret du 17 septembre 2018, le préfet peut imposer l’installation d'un éthylotest anti-démarrage (EAD) comme possible alternative à la suspension du permis de conduire en cas de conduite sous l'emprise de l'alcool. Le juge peut également ordonner mise en place d’un EAD à titre soit de peine complémentaire soit de composition pénale. Et pour ceux qui souffrent de pratiques addictives liées à l'alcool (dite « alcoolodépendant »), il peut leur être imposé de se soumette en plus à un suivi médico-psychologique dans une consultation d’addictologie.

Au Japon, la conduite en état d’ivresse peut être divisée en deux catégories : sakeobi unten et sakeyoi unten. La première fait référence au taux d’alcool dans un litre d’air expiré alors que la deuxième fait référence à l’état d’ivresse physique apparent du conducteur, tel que difficultés d’élocution, difficultés à garder son équilibre, troubles de la vision, etc.
Si un test d’alcoolémie révèle que le conducteur a un taux d’alcool situé en 0.15 mg/l et 0.25 mg/l d’alcool dans un litre d’air expiré (soit un verre de vin), il encourt jusqu’à 3 ans de prison, une amende de 500.000 yens et 13 points de pénalité. Ces sanctions sont relevées à 25 points de pénalité si le taux est supérieur à 0.25 mg/l12

Outre les différences de degré d’alcool et de montant des amendes, une autre différence significative est qu’au Japon une peine de prison est encourue après le premier verre alors qu’en France une telle sanction n’intervient qu’à partir de 0.8 g/l (soit 0,40 mg d’alcool dans un litre d’air expiré) équivalent à plus de trois verres.

Concernant la conduite en état d’ivresse, sakeyoi unten, celle-ci peut être punie jusqu’à 5 ans de prison et une amende d’un million de yens et 35 points de pénalité13. De plus, dans le système japonais, le conducteur n’est pas le seul à être sanctionné. Les tiers qui ne l’ont pas empêché de prendre le volant après avoir consommé de l’alcool peuvent l’être également14. Ainsi une personne qui fournit un véhicule au conducteur qui a consommé de l’alcool ou qui va probablement conduire sous l’influence de l’alcool peut être sanctionnée comme indiqué ci-dessous :
-    5 ans de prisons et une amende d’un million de yens maximum si l’état du conducteur est qualifié de sakeyoi unten ;
-    3 ans de prison et 500.000 yens maximum si l’état du conducteur est qualifié de sakeobi untenen

De même, celui qui fournit des boissons alcoolisées au conducteur ou qui l’encourage simplement à en consommer15  alors qu’il y a une haute probabilité que le conducteur prenne le volant ensuite, encourt les sanctions suivantes :
-    3 ans de prison et une amende de 500.000 yens au maximum si l’état du conducteur est qualifié de sakeyoi unten
-    2 ans de prison et une amende de 300.000 yens maximum si l’état du conducteur est qualifié de sakeobi untenen

Enfin, et c’est là une différence encore plus notable, les passagers présents dans la voiture au moment où le conducteur a été arrêté encourent les mêmes sanctions que celles énoncées ci-dessus pour le fournisseur de boissons alcoolisées s’ils sont eux-mêmes titulaire du permis de conduire16

Comme on s’en doute au vu du niveau de sanction de chacun des pays, les résultats de la lutte contre l’alcool au volant sont eux-mêmes contrastés. 

En France, l’alcoolémie compte pour 31% des accidents mortels, la vitesse venant ensuite à 25%, puis la fatigue ou la somnolence à près de 8% des accidents mortels. 

Au Japon l’alcoolémie ne compte plus que pour 0,3% des accidents mortels contre 28% pour l’inattention, 13% pour des fausses manœuvres et 4% pour les excès de vitesse. Il convient de souligner que le renforcement des sanctions n’a pas freiné la consommation générale d’alcool au Japon. En revanche il a eu pour conséquence une réduction substantielle de l’usage privé de la voiture (conjointement avec une répression plus rigoureuse du stationnement irrégulier associé à l’obligation pour tout propriétaire d’une voiture de disposer d’un parking).

Il ressort de ce qui précède que le Japon est sensiblement moins contraignant sur la vente mais plus rigoureux sur la consommation des mineurs, plus laxiste sur la publicité mais très substantiellement plus sévère sur la conduite sous l’emprise de l’alcool. Au final, du point de vue de la prévention, la performance du Japon semble être meilleure que celle de la France avec un moindre consommation par habitant, 8 litres pour le Japon en 2016 contre 12,6 pour les français (sauf à mettre cette différence sur l’intolérance à l’alcool de nombreux japonais due à une déficience génétique), et surtout, comme on l’a vu, moins de décès au volant pour cause d’alcoolémie.

Nul doute qu’est bien révolu le temps pas si lointain du « petit dernier pour la route ».  


[1] Article L. 3323-1 du Code de la santé publique

[2] Article 227-19 du Code pénal

[3] http://www.rcaa.jp/standard/koukoku.html

[4] Article L.3323-4 du Code de la santé publique

[5] http://www.rcaa.jp/standard/koukoku.html

[6] http://www.rcaa.jp/standard/ et http://www.rcaa.jp/standard/non-alcohol.html

[7] http://www.rcaa.jp/standard/koukoku.html

[8] Article L.223-1 du Code de la route

[9] Article L.223-6 du Code de la route

[10] Article R.234-1 du Code de la route

[11] Article L.234-1 et article L.234-2

[12] Article 117-2-2 et annexe 2, 1 du Décret d’application de la loi sur la circulation routière

[13] Article 117-2 et annexe 2, 2 du Décret d’application de la Loi sur la circulation routière

[14] Article 65 alinéa 2 de la Loi sur la circulation routière

[15] Article 65 alinéa 3 de la Loi sur la circulation routière

[16] Article 65 alinéa 4 de la Loi sur la circulation routière

 

 

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