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Le Japon prépare un mix énergétique « nouveau » qui fait furieusement penser à... l'ancien

Quelle politique énergétique pour le Japon ? Obsédé par la question de ses ressources, l’Ar­chipel s’évertue depuis les débuts de sa crois­sance à ne pas mettre ses oeufs dans le même panier. Il s’est fabriqué un “mix énergétique”, dont il dose les différents composants au gré de la conjoncture et de ses besoins. Jusqu’au 11 mars 2011, le Japon pondérait des énergies fossiles avec de l’énergie nucléaire sans se soucier beaucoup des énergies renouvelables (hormis l’énergie hydraulique). La catastrophe de Fukushima a remis en cause ces beaux calculs, l’obligeant à subitement fermer son parc atomique. Pour un temps seulement ? Le ministère de l’Industrie (METI) vient de publier son objectif de “mix” à l’horizon 2030, étonnamment similaire à celui de 2010 : outre un retour du nucléaire au même niveau, les énergies fossiles se maintiendront dans la même fourchette, à 56% du total. Seule la part des énergies renouvelables, à 22-24%, change très sensiblement par rapport à 1990 - mais assez peu (+8%) par rapport à aujourd’hui. Le nom de cette politique : “S+3E”, pour Sécurité, Efficacité Économique, Environnement et Énergie approvisionnée.

PLAN B

Le professeur Takeo Kikkawa, de l’université des Sciences, a sa propre idée sur la politique du Japon en la matière. « Sécurité ? Alors il faudrait réduire à 15% le parc nucléaire et le recomposer avec des réacteurs dernier cri. Économie ? Alors il faut réduire les coûts d’approvisionnement, énormes, des énergies fossiles. Environnement ? Alors transférons nos technologies de charbon « propre » vers les pays en développement. Approvisionnement ? Alors portons les énergies renouvelables, les plus faciles à atteindre à 30% du mix », exhorte-t-il.

Au METI, on explique ces choix stratégiques par la nécessité. « Nous devons composer avec trois faits, explique un porte-parole de l’Agence des Res­sources Naturelles et de l’Énergie nippone : un faible taux d’autosuffisance (8%), des coûts d’énergie élevés et un objectif élevé de réduction d’émis­sions de gaz à effet de serre ». Ces points, toujours présentés comme des vérités d’Évangile qui conditionneraient la politique japonaise, sont tous contestables : la plupart des pays n’ont pas de ressources naturelles non plus et ne suivent pourtant pas la même politique ; les coûts d’énergie sont élevés du fait de problèmes structurels que le Japon s’est lui-même créés ; et l’objectif de réduction des gaz à effet de serre, de 18% d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990, n’est pas ambitieux (- 40% pour l’Union Européenne). Même la soi-disant particularité japonaise du « mix » ne lui est pas propre. La plupart des pays multiplient les sources (les États-Unis par exemple). La seule vraie particularité du Japon est d’être une île, géographiquement isolée des autres pays, par conséquent incapable de se relier à un improbable « grid asiatique ». Mais même cette particularité n’est pas une fatalité. Si le pays choisissait de cultiver de meilleures relations diplomatiques avec son voisin russe, par exemple, il pourrait, à l’instar de l’Allemagne, se « rebrancher » à lui...

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