Vers l'étranger
Le ciel japonais est constellé d'étoiles Michelin. Mais le Japon peut-il exporter sa grande cuisine ? Ernie Singer, qui a ouvert plusieurs restaurants étoilés à Hong Kong et Singapour, répond
On disait la cuisine japonaise trop attachée à son terroir. Est-ce encore vrai ?
Le problème n'est pas l'exportation de la cuisine japonaise. C'est l'exportation des chefs. Il faut dix ans pour former un chef dans ce pays, et très, très peu d'étrangers peuvent aller au bout d'un tel sacerdoce. D'autre part la cuisine japonaise est d'ordinaire une véritable performance du chef, à laquelle assistent moins de dix clients assis à un comptoir. Si le chef est un Japonais ordinaire qui, par conséquent, ne parle que japonais, ses clients étrangers passeront à côté de 80% de l'expérience... Si un chef sert un saumon de type keiji, ou "précoce", qui est le type de saumon le plus prisé, il faut bien qu'il en explique les caractéristiques ! Il y a bien des gens qui pratiquent la cuisine japonaise à l'étranger mais ce sont généralement soit des chefs japonais qui ont échoué au Japon, soit des chefs étrangers qui n'y ont pas mis les pieds. Quant aux serveurs dans les restaurants japonais à l'étranger, ils ne savent pas non plus ce qu'ils servent.
Alors comment résoudre ce problème ?
Ce qui est nouveau aujourd'hui, c'est qu'un jeune chef au Japon trouvera souvent de meilleures conditions à l'étranger que dans son pays. Nombreux tentent donc l'aventure ailleurs - se permettant même le luxe de revenir au Japon après s'être fait un nom dans un autre pays. Les chefs japonais dans mon restaurant de sushis à Singapour ont doublé leur salaire par rapport au Japon.
Quid des ingrédients ?
Une révolution a eu lieu ces dernières années en terme de disponibilité des ingrédients. Les Japonais produisent du caviar, les Australiens des truffes, les Sud-Coréens du fugu. Les aliments se conservent parfaitement lorsqu'ils voyagent. Par conséquent ça n'est plus un problème d'approvisionnement.